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Edito du mois : Fonds en euros, chronique d’une mort annoncée

Le succès de l’assurance-vie en France n’est plus à démontrer avec des encours qui atteignent des sommets, à presque 1 800 milliards d’euros à fin septembre, en progression de 4% sur un an. Au sein de l’assurance-vie, c’est le fonds en euros qui tient le haut du pavé, puisqu’il représente en moyenne 80% des contrats. Mais, depuis que les rendements des emprunts d’État sont passés en territoire négatif, les fonds en euro sont grandement menacés. Le point en 5 questions :  

D’où viennent les difficultés sur les fonds en euros ?

L’assureur doit garantir le capital sur les fonds en euros à ses clients. Cela veut dire que, quels que soient les placements qu’il réalise, il doit au moins redonner le capital investi. Imaginons qu’il achète des obligations grecques, et que le pays fasse défaut, la perte sera assumée par l’assureur. Pour cette raison, les compagnies d’assurance diversifient leurs placements sur des actifs peu risqués. Ainsi, ils achètent principalement des obligations dont le risque de défaut est faible. Avec la politique accommodante de la BCE, les taux de rendement des obligations peu risquées sont devenus négatifs, même sur des durées longues. Lorsque l’assureur achète une OAT à 10 ans, il doit donner lui-même un intérêt à l’État français de 0,25% par an. Il n’est donc plus en mesure de garantir le capital.  

Quelles sont les solutions pour les compagnies d’assurance ? Et quelles sont les conséquences pour les épargnants ?

De nombreuses compagnies ont communiqué cette année sur le sujet. La tendance est de « fermer » progressivement les fonds en euros. À ce jour, la plupart des compagnies ne permettent plus d’investir 100% d’un versement sur le fonds en euro. Elles imposent dorénavant qu’une part soit investie en « unités de compte », qui ne sont pas garanties en capital. L’association AFER, dont le succès tient beaucoup à son fonds en euros (assuré par la compagnie Aviva), a annoncé que le minimum d’unités de compte était de 30%. Certaines compagnies vont jusqu’à imposer un minimum de 70%. En conséquence, les épargnants ne pourront plus bénéficier pleinement des qualités du fonds en euros (garanti du capital, liquidité), ils devront se tourner vers d’autres supports.  

Les taux de rendement des fonds en euros vont-il s’écrouler en 2019 ?

Le taux moyen servi en 2018 était de 1,83%, constant par rapport à l’année précédente. Depuis 8 ans, le taux est en forte baisse, puisqu’en 2011, il était en moyenne supérieur à la barre symbolique des 3%. Au cours des 8 dernières années, la baisse moyenne a été de 0,15% par an. Mais, tout porte à croire que la baisse pourrait être plus marquée cette année. Les assureurs ne veulent plus que les flux d’épargne se dirigent autant vers les fonds en euros. Ils ont d’ailleurs préparé les esprits à une baisse significative des taux de rendement. On s’attend en moyenne à une baisse de 0,3 à 0,4% cette année.  

Quelques compagnies d’assurance doivent augmenter leurs fonds propres. Sont-elles en risque dans le contexte actuel ?

Le contexte de taux bas et l’entrée en territoire négatif des taux à long terme de la dette française est réellement un enfer pour les compagnies d’assurance. Celles-ci garantissent le capital aux assurés, or, en replaçant les sommes reçues sur des obligations à taux négatifs, cela devient impossible. Il est clair que le contexte est défavorable aux compagnies, mais la réglementation leur impose d’anticiper les problèmes à venir, en exigeant un certain niveau de ratio de solvabilité. C’est le but des augmentations de capital actuelles : si la baisse des taux de marché est durable, les fonds propres doivent leur permettre de faire face aux difficultés. La réglementation est donc un rempart au risque de faillite d’une compagnie d’assurance.  

Quels autres supports peuvent remplacer les fonds en euros pour les épargnants ?

Il faut être clair, les caractéristiques des fonds en euros sont irremplaçables : garanti du capital à tout moment, liquidité (l’assuré peut récupérer son argent à tout moment, sans pénalité), effet cliquet des intérêts (les intérêts versés sont définitivement acquis). Il n’existe pas de supports présentant les mêmes caractéristiques. Avec la fin des fonds en euros, les épargnants devront renoncer à certains « conforts ». Ainsi, pour ceux qui acceptent la prise de risque, le premier type de support est la pierre papier (SCI, SCPI, OPCI), qui offre une certaine régularité des revenus, et une faible volatilité de la valeur. Si les taux affichés sont sensiblement plus élevés que ceux des fonds en euros, l’épargnant devra payer plus de frais à l’acquisition, si bien que ces supports s’adressent aux épargnants ayant un horizon de placement lointain. Les caractéristiques des fonds en euros sont d’une grande qualité et constituent une spécificité française, que vous ne retrouvez nulle part ailleurs dans le monde. Les français en ont profité pendant plusieurs décennies. Mais, dans le contexte de taux durablement bas, il devient urgent de se préparer au monde d’après. Plus on attend, plus il deviendra difficile de négocier le virage.   Placements sans garantie du capital, ni garantie de performance.  
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