Edito du mois : Bank run : où en est-on ?
Publié la première fois le: 30/03/2023 à 12h17
Mis à jour le: 30/03/2023 à 12h30
par Jonathan Levy
Trois banques américaines en faillite, Crédit Suisse vendu à UBS pour une bouchée de pain, voilà les quelques faits marquants depuis notre dernier rendez-vous.
Si on écoute les autorités (banquiers centraux, exécutifs) la situation est sous contrôle en Europe. Si on écoute certains observateurs, nous sommes entrés dans une ère de turbulence qui rappelle la crise des subprimes. Faut-il avoir peur pour son argent placé dans les banques ?
Tout d’abord, il faut noter que les banques européennes sont dans une situation nettement plus confortable qu’en 2008 lors de la crise des subprimes ou encore qu’en 2010/2011 lors de la crise des dettes souveraines de la zone euro. Les crises bancaires ont un mérite : elles nous obligent à tirer les leçons de nos faiblesses et à réagir en conséquence.
« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » écrivait Nietzsche dans le Crépuscule des idoles. Ainsi il est clair qu’avoir traversé deux crises bancaires majeures en 15 ans nous a rendu plus fort. Les ratios de solvabilité se sont significativement renforcés. Le risque de liquidité est également nettement plus encadré en Europe. Après la crise de 2008, le Comité de Bale s’est assuré du renforcement du dispositif de liquidité dans les banques avec notamment la mise en place de deux nouveaux ratios : le LCR, Liquidity Coverage Ratio, et le NSFR, Net Stable Funding Ratio. Le premier ratio permet de s’assurer qu’une banque peut survivre à une grave crise de liquidité qui durerait un mois, le second contraint les banques à trouver des ressources structurellement stables pour financer leurs activités de crédit.
Aux Etats-Unis, d’où est venue une nouvelle fois la crise bancaire, le marché est extrêmement éclaté, beaucoup plus qu’en France. Ainsi près de la moitié des actifs bancaires du pays (45% exactement, source les Cahiers Verts de L’Économie) sont détenus par des banques de taille bilan inférieure à 250 Md$. Ce sont justement ces banques qui ont fait l’objet d’un assouplissement des règles sous la présidence Trump, dont la politique assumée reposait sur la dérèglementation de l’économie.
L’analyse du bilan de ces banques montre justement qu’un certain nombre d’indicateurs se sont dégradés au cours des dernières années, comme par exemple les actifs liquides sur le total dépôts. Ce n’est pas ce dernier ratio qui provoque la crise bancaire, mais en cas de survenance d’un risque, la banque est moins protégée.
Du côté de l’Europe, aucun mouvement de dérèglementation n’a été adopté au cours de ces dernières années. Ainsi toutes les banques européennes présentent un ratio LCR supérieur à 100% (minimum requis réglementairement) avec une moyenne à 150%. De plus, toutes les banques dont le total bilan dépasse 30 Md€ doivent réaliser des stress tests périodiquement. Là encore, on voit que le minimum requis est beaucoup plus bas qu’aux Etats-Unis, ce qui est plus protecteur.
Cela ne veut pas dire que l’Europe ne peut pas être touchée par un mouvement de panique qui est par définition assez irrationnel. On a bien vu déjà les inquiétudes sur Crédit Suisse (hors Zone Euro) et sur Deutsch Bank dans la Zone Euro qui ont amené les autorités Suisses à réagir très vite pour éviter un mouvement en chaine sur l’ensemble des banques.
Est-ce que les Banques Centrales ont les capacités suffisantes pour endiguer cette crise bancaire ?
Paradoxalement, cette crise redonne infiniment plus de moyens aux Banques Centrales qui en étaient un peu dépourvu pour lutter contre l’inflation. En effet, une des conséquences de la crise bancaire que nous traversons est le durcissement des conditions de crédit des banques, qui va avoir un effet négatif sur la croissance économique dans les prochains mois. Cela va donc faire baisser considérablement les pressions inflationnistes sans que les Banques Centrales soient obligées de continuer à relever les taux. D’ailleurs, au cours de la semaine où la banque SVB a fait faillite aux Etats-Unis, les taux à long terme en Europe ont baissé drastiquement, l’OAT passant de 3,25% à 2,65%. Si la crise bancaire s’aggrave, la BCE serait alors en mesure d’accroitre son soutien aux système bancaire pour éviter des faillites en cascade et surtout pour éviter que la crise financière ne se propage à l’économie réelle.
Cette « flash » crise bancaire aura le mérite de ralentir et même d’inverser la hausse des taux provoquée par les Banques Centrales depuis un an, qui finissait par créer des incertitudes économiques et financières. Les marchés financiers anticipent dorénavant 3 baisses de taux de la FED en 2024. Certains pensent même que la Banque de Washington sera contrainte de baisser ses taux dès le 2nd semestre 2023. Dans tous les cas, la politique des banques centrales qui était sur un mouvement de restriction monétaire devrait redevenir accommodante dans les prochains trimestres.
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