Edito du mois :
2020 – 2029, la décennie (encore) de la Chine ?
Publié la première fois le: 28/01/2021 à 11h45
Mis à jour le: 28/01/2021 à 12h46
par Jonathan Levy
2020 restera comme une année atypique à tout point de vue.
Pour la Chine, la plus administrée des économies, c’est la première fois que le pays s’éloigne nettement de l’objectif de croissance qu’il s’était fixé en début d’année. Mais avec un taux de croissance de 2,3%, le pays est le seul du G20 a conservé une croissance positive pour 2020. C’est mieux que les États-Unis qui ont subi une baisse du PIB estimée à 3,5%, et nettement mieux que l’Europe, dont le PIB devrait avoir chuté de 7%. Si cette dynamique se confirme, est-ce le moment d’augmenter nos investissements sur la Chine ?
Tout d’abord, il faut noter que le pays s’est donné un objectif à long terme ambitieux. Il souhaite atteindre un doublement de son PIB d’ici 2035, ce qui suppose une croissance annuelle de l’ordre de 4,7%. Le PIB chinois a dépassé celui de la zone euro en 2020, il pourrait dépasser celui des États-Unis d’ici la fin de la décennie.
A plus court terme, le président Xi Jinping a fixé un objectif de rééquilibrage de la croissance en faveur de la consommation, qui a été la grande absente en 2020. Pour cela, il souhaite que le PNB par tête augmente de 25% en 5 ans, pour attendre les 12 500 $, ce qui reste encore très loin derrière les États-Unis. Mais ce rattrapage partiel implique une croissance annuelle élevée de 5% par an sur les 5 prochaines années.
En 2021, les premières prévisions tournent même autour de 8%.
Ces perspectives de croissance sont attractives pour les investisseurs mais il faut reconnaitre que la tâche est ardue pour les autorités chinoises qui ne disposent que de peu de politiques publiques qui ciblent les ménages, pourtant capitales pour rallumer un des moteurs de la croissance qui s’est éteint en 2020.
Par ailleurs, on ne peut parler de la Chine sans évoquer l’accord historique signé fin 2020 avec 14 autres pays asiatiques. Il s’agit du plus grand accord commercial de la planète. Cet accord vise à faire baisser les barrières douanières appliquées aux marchandises échangées dans la région. Tous les pays de la région pourraient en profiter : le Japon pourra exporter 90% de composants automobiles vers la Chine, avec une exemption totale de tarif douanier. Le lait australien arrivera aussi moins cher en Thaïlande. Mais la Chine, qui va pouvoir diversifier un peu plus ses marchés, sera bien la grande gagnante de cet accord. Elle va se retrouver au cœur d’un accord qui englobe 30% de la population mondiale, dont les États-Unis sont absents. Donald Trump qui voulait privilégier les accords bilatéraux, a décidé de se retirer en 2018 d’un pacte de libres échanges avec le Japon et d’autres pays asiatiques. Ce retrait a laissé le champ libre à la Chine qui a su en profiter hâtivement.
L’accord signé par la Chine devrait permettre une accélération forte de l’intégration économique de l’Asie, même s’il ne va pas aussi loin que l’harmonisation européenne. Il va pousser les entreprises européennes et américaines à installer des centres de production en Asie pour profiter de ce gigantesque marché, et rester compétitifs face aux acteurs locaux qui bénéficieront de tarifs douaniers avantagés.
Enfin, pour un panorama complet, on peut évoquer le leadership de la Chine dans certains secteurs jusque-là revendiqués par les États-Unis. C’est le cas des secteurs très porteurs de la révolution numérique que nous vivons depuis des années, et qui s’accélère dans le contexte actuel de la crise sanitaire. La Chine n’est plus ce pays qui copiait les produits conçus aux États-Unis et les fabriquait moins chers localement. Dans l’intelligence artificielle par exemple, de nombreuses innovations viennent de sociétés chinoises.
Bien sûr, la Chine présente aussi de nombreuses limites ou défauts dont il faut avoir conscience avant d’investir : la Chine est accusée à juste titre de manque de transparence avec le début de la crise du coronavirus. Par ailleurs, il faut bien garder à l’esprit que la Chine est une économie administrée avec un contour parfois assez flou entre la sphère privée et la sphère publique, et dont les décisions relèvent parfois plus de considérations politiques que financières.
Mais pour autant, malgré ces risques, il nous semble intéressant d’investir un peu plus dans les entreprises chinoises qui présentent un potentiel de croissance important sur les 10 prochaines années. La Chine contribue à elle seule à près de 30% de la croissance mondiale. Il serait dommage de s’en priver, alors qu’il existe aujourd’hui de nombreuses façons d’en profiter. Cela fait longtemps qu’on observe un surcroit de croissance en Chine par rapport à l’Europe. A nous de savoir en profiter maintenant Montaigne disait : « Nul n’est mal longtemps qu’à sa faute ».