Edito du mois : Draghi 1 – 0 Trump


Mis à jour le: 04/07/2018 à 08h23 par Jonathan Levy

Trump vs Draghi, USA vs Europe, Guerre commerciale

En ce mois de mondial, il était tentant de faire une allusion au football. Mais, ce n’est pas en sport que les Etats-Unis affrontent le reste du monde. Il s’agit en fait d’une véritable guerre économique sous tous ses aspects : commercial, financier et maintenant monétaire.

 

Trump a commencé par utiliser en début d’année, l’arme des taxes douanières sur les importations dans certains secteurs (acier, aluminium, automobile,… ). Le sujet était de rééquilibrer les échanges commerciaux, où les Etats-Unis affichent un déficit de près de 600 Md$ par an, en constante augmentation depuis des années. Le président américain exige notamment de la Chine qu’elle réduise le déficit à hauteur de 200 Md$. Mais Pékin refuse pour l’instant de consentir un tel montant, même s’ils ont conscience qu’ils devront acheter plus de produits américains à l’avenir. Ils parlent pour l’instant de 70 Md$, le chemin est encore long…

 

Le deuxième front de la guerre économique ouvert par Trump la semaine dernière est financier, il porte sur les investissements chinois aux Etats-Unis. S’il existe déjà un Comité sur l’investissement étranger qui veille à garantir la défense des intérêts américains, Trump envisage cette fois d’interdire complètement tout investissement dans le secteur technologique par des entreprises qui seraient détenues à plus de 25% par des capitaux chinois.

La Chine a lancé un plan stratégique « Made in China 2025 » qui met en exergue plusieurs secteurs jugés stratégiques (informatique, aéronautique, voitures électriques, biotech, …). Les Etats-Unis accusent la Chine de forcer les entreprises à transférer leur savoir-faire technologique à des entreprises chinoises, l’objectif de la Chine étant de devenir un leader mondial dans tous ces secteurs stratégiques. En l’occurrence, les règles du jeu ne sont pas symétriques, puisque dans l’automobile par exemple, une entreprise étrangère ne peut détenir plus de 50% d’une société basée en Chine.

 

Le troisième front de cette guerre économique est monétaire. Sur ce front, c’est la Chine qui ouvre le feu, sans que les Etats-Unis ne puissent réellement réagir. En modifiant quelques éléments de sa politique monétaire, dont le taux de réserves obligatoires, la Chine a fait baisser sa monnaie face au dollar, ce qui rend ses exportations plus compétitives.

 

« Mario Draghi a encore du temps avant de remonter les taux d’intérêts »

L’Europe est, elle aussi, dans l’œil du cyclone Trump. Alors peut-elle à son tour utiliser l’arme monétaire comme l’a fait la Chine ? En quelque sorte, elle a commencé à le faire. Mario Draghi a annoncé lors de sa dernière conférence de presse qu’il ne relèverait pas les taux d’intérêt avant au moins l’été 2019, et était prêt à attendre un peu plus si l’inflation n’atteignait pas son objectif de 2%.

Or, quand on regarde l’inflation européenne, on se rend compte que la composante hors énergie atteint à peine 1,3% sur un an, ce qui est encore très faible. De plus, la croissance européenne a ralenti un peu au 2ème trimestre 2018, probablement impactée par les différentes menaces de Trump. Fortement exposée au commerce international, l’Allemagne est touchée aussi par ce ralentissement économique. Il devrait donc y avoir un alignement des intérêts européens.

On se rend compte alors que Mario Draghi a du temps avant de remonter les taux d’intérêts. En conséquence de ces dernières annonces, les taux à long terme baissent de nouveau, de quoi stimuler encore la croissance européenne. De la même manière, l’euro a baissé face au dollar : il recule environ de 6% sur les 3 derniers mois.

 

La FED n’a pas les moyens de lutter face au yuan ou à l’euro. En effet, l’inflation est déjà au-dessus des 2%, il ne serait pas raisonnable de ralentir le rythme de hausse des taux aux Etats-Unis.

 

Nous voyons bien depuis le début de cet épisode que Donald Trump cherche avant tout à négocier avec ses partenaires, avec un style bien à lui.

En mettant la pression sur ses partenaires, il a lui-même déclenché cette guerre économique. Les partenaires des Etats-Unis ont bon ton de répondre avec leurs propres armes, et l’arme monétaire est une arme redoutable.

Donald Trump a bien dû lire les récits du général chinois Sun Tzu : « La guerre est semblable au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’on provoquée ».

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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