Edito du mois : Et si c’était déjà la fin de la hausse des taux ?


Mis à jour le: 11/05/2022 à 10h01 par Jonathan Levy

En général, les bourses entament une chute à partir d’un catalyseur. On réalise qu’un évènement joue un rôle majeur dans le retournement des marchés soit parce que c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, soit parce qu’il permet une prise de conscience des investisseurs sur une situation donnée. Mais cette fois, difficile de ne retenir qu’un seul événement, c’est plutôt une accumulation de facteurs qui pèsent sur les marchés : l’envolée des prix, la guerre en Ukraine, la résurgence de la crise sanitaire en Chine. L’économie va-t-elle résister à tant de vents contraires ?

En fait, il existe un point commun entre ces évènements de nature différente : tous concourent à la hausse des taux d’intérêts qui pénalise l’activité, que ce soit la hausse de l’inflation, la guerre en Ukraine ou la crise sanitaire en Chine. Pour lutter contre une inflation galopante, les banques centrales changent de braquet. Elles arrêtent rapidement leur programme de rachats d’actifs qui maintenaient les taux à long terme sur des niveaux historiquement bas. La Fed a ensuite entamé un cycle de hausse des taux de refinancement à court terme, qui pourrait se prolonger jusqu’à fin 2023. La BCE pourrait lui emboiter le pas dès cet été.

La Guerre en Ukraine a eu pour effet de provoquer une crise de l’énergie, la Russie étant un des plus gros pays producteurs d’hydrocarbures au monde. L’Union Européenne et la Fédération Soviétique sont rentrés dans un bras de fer sur le pétrole et le gaz, avec un vrai jeu de dupes car en réalité, chacun est dépendant de l’autre à court terme. Une rupture brutale des approvisionnements en gaz russe ferait probablement rentrer l’Allemagne en récession, tant son industrie, dont le poids dans l’économie est considérable, en est dépendante. Mais de l’autre côté, la Russie est une économie très peu diversifiée dont les revenus sont essentiellement assurés par les hydrocarbures. Le pays ne pourrait vraisemblablement pas remplacer les débouchés européens par des contrats avec l’Asie en si peu de temps. En conséquence, cette crise a pour effet une hausse des prix du gaz et du pétrole, première source d’inflation dans le monde.

Enfin, la Chine fait face à une recrudescence des cas de Covid depuis début mars. La politique zéro covid contraint les dirigeants à mettre certaines villes sous cloches, comme Shanghai et potentiellement Pékin. Même si le pays s’organise pour limiter au maximum l’impact économique, en permettant aux usines de continuer à tourner, cela pourrait quand même affecter les chaines d’approvisionnement, déjà très bousculées, et accentuer les pénuries existantes. Ce choc d’offre négatif pousse les prix à la hausse, et alimente donc l’inflation, comme les sujets précédents.

Ainsi, alimenté par la hausse de l’inflation qui a atteint 8,5% aux États-Unis, les taux américains à 10 ans sont passés de 1,50% en début d’année à presque 3% fin avril, avec une accélération de la hausse depuis début mars. Il s’agit d’une des plus fortes augmentations observées au cours des dernières années en l’espace de si peu de temps.  C’est véritablement cette hausse des taux qui pèse sur les marchés financiers. Ainsi, le Nasdaq, l’indice le plus touché par la remontée des taux d’intérêts, a corrigé de 20% depuis le début de l’année, et de 23% par rapport à son niveau le plus haut. Mais le mouvement de hausse des taux longs pourrait être proche de la fin. Cela peut surprendre dans la mesure où la FED n’est qu’au début de son cycle de relèvement des taux, mais la question n’est pas tant de savoir si les taux à court terme vont remonter (tout le monde le sait déjà !), mais plutôt de savoir s’ils vont plus remonter que ce que les marchés anticipent. Or les anticipations sont assez hautes, et il est probable que cela soit suffisant. Il est toujours aisé de prédire la continuité d’un mouvement, mais bien plus ardu de prévoir le point de rupture d’une tendance. Et pourtant cette question est fondamentale pour bien anticiper l’évolution des marchés actions dans les prochains mois.

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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