Edito du mois : La FED entre dans une zone de turbulence
Publié la première fois le: 28/01/2022 à 09h29
Mis à jour le: 28/01/2022 à 09h31
par Jonathan Levy
Mesdames et messieurs, nous traversons actuellement une zone de turbulence. Veuillez regagner vos sièges et attachez vos ceintures ! Ce message que tout le monde a dû entendre au moins une fois en avion, pourrait bien être prononcé cette fois par les banques centrales. Le ton de la FED se durcit depuis novembre dernier, et laisse présager des moments plus tendus en bourse. Les phases de durcissement de la politique monétaire des banques centrales ne sont jamais un long fleuve tranquille.
Si les taux n’ont fait que baisser au cours des 40 dernières années, nous avons vécu quelques phases de remontée des taux. L’analyse de ces périodes nous permet d’anticiper ce qui peut se passer dans les 12 mois qui viennent.
Tout d’abord, on observe qu’au cours des 4 dernières décennies, on comptabilise 15 périodes de hausse des taux supérieure à 1% aux États-Unis. Au cours de ces 15 corrections obligataires, le marché actions a progressé 11 fois. Ainsi, contrairement aux idées reçues, les phases de correction obligataire ne sont pas incompatibles avec une hausse des actions.
Plusieurs éléments sont déterminants. Tout d’abord la vitesse de remontée des taux, et l’ampleur de cette hausse. Si l’ampleur est assez contenue pour l’instant, la vitesse du phénomène est assez élevée dans le cas présent. Plus généralement, le durcissement de la politique monétaire est assez sensible et assez brutal aux États-Unis. Outre le relèvement des taux d’intérêt, l’arsenal de la FED inclus le programme de rachat d’actifs (Quantitative Easing) et la réduction de la taille du bilan. Lors du dernier cycle, le changement de politique s’est étalé sur 4 ans, quand il pourrait prendre qu’une seule année dans le cycle actuel.
Ensuite, et c’est peut-être le plus important, la cause de la hausse des taux. Celle-ci est alimentée par la hausse des anticipations d’inflation. Elle a atteint 7% aux États-Unis en décembre, niveau jamais atteint depuis 1982. Même si on enlève la part volatile comme l’énergie, l’inflation dite sous-jacente reste sur un niveau élevé de 5,5%, bien au-delà du niveau « acceptable » par les marchés qu’on situe plutôt à 3 – 3,5%. Ce taux de 7% n’est pas simplement un effet rattrapage par rapport à un point bas, mais il traduit bel et bien une accélération de l’inflation pour des raisons plus profondes. Au-delà de la hausse du prix des matières premières, les perturbations des chaines de production et les goulets d’étranglement dans les transports de marchandises provoquent des retards et une hausse des prix de production.
Le pilotage de la normalisation de la politique monétaire de la FED est extrêmement délicat. Si la FED avance trop vite elle risque de casser la croissance et provoquer une crise économique importante, qui n’est pas souhaitable aujourd’hui compte tenu du niveau de l’endettement. Si elle avance trop lentement, elle risque de laisser l’inflation s’installer et cela rendra sa tache de plus en plus difficile. Dans ce dernier cas, elle perdrait aussi beaucoup en crédibilité, ce qui est foncièrement regrettable pour le long terme, car cela finirait par nuire à son pouvoir d’action.
Cette situation va générer des périodes de tension sur le marché. Pour s’adapter, la Banque Centrale devra prendre des décisions délicates, avec des moments de pause, voire de retour en arrière, puis de nouveau des périodes d’accélération dans sa normalisation monétaire. Ce sont ces adaptations qui provoqueront tantôt des périodes de stress, tantôt des périodes de reprise. On constate qu’après ces périodes de trouble (qui durent en général jusqu’à la 1ère hausse des taux de la FED ou un peu après) les marchés financiers continuent leur bonne marche en avant.
Certes, il convient de s’adapter à la période actuelle, et en particulier il est nécessaire de prendre les bonnes décisions qui en découlent sur les portefeuilles. Mais il faut aussi garder à l’esprit que nous sommes actuellement au cœur d’un long cycle économique de croissance, qui n’est pas terminé, probablement soutenu par la 4è révolution industrielle que nous avons la chance de vivre. Il faut aussi savoir en profiter !