Edito du mois : La leçon d’économie des gilets jaunes à Macron
Publié la première fois le: 20/12/2018 à 12h44
Mis à jour le: 20/12/2018 à 13h01
par Jonathan Levy
La France d’en bas vient de donner une bonne leçon d’économie au Président de la République. La croissance française ralentit depuis le début de l’année, et, ce n’est pas vraiment à cause du mouvement des gilets jaunes (l’impact sur la croissance est inférieur à 0,2%). La raison est plus profonde, et touche la zone euro dans son ensemble. Il était donc temps de prendre des mesures pour booster l’économie. Emmanuel Macron devrait remercier les gilets jaunes !
L’économie de la zone euro naviguait sur un rythme de croissance supérieur à 2% début 2018. Il est actuellement revenu entre 0,5 et 1%. L’année 2018 aura été marquée par la montée des inquiétudes d’ordre politique. La guerre commerciale d’abord, lancée par Donald Trump en début d’année. La hausse des taxes douanières a eu raison des industriels, dont le moral n’a cessé de se dégrader cette année.
Deuxième écueil politique, les inquiétudes autour du Brexit. Les négociations entre Theresa May et l’Union Européenne ont été longues et douloureuses. Elles ont fini par aboutir sur un accord, mais il est de plus en plus probable que la première ministre n’obtienne pas l’aval de la Chambre des Communes, nécessaire pour entériner le texte. L’absence de « deal » fait craindre un blocage de l’économie, tant ce scénario n’a pas été préparé par les gouvernements.
Enfin, la montée des populismes en Europe apporte également son lot d’incertitude. L’Italie a été marquée par des mois de tension autour du budget, refusé par la Commission Européenne. Les taux d’intérêts sont montés en flèche, dépassant les 3% à 10 ans. L’Italie a toujours été très comparable à l’Espagne sur les marchés financiers. Les taux des deux pays étaient corrélés pendant très longtemps. L’écart de taux observé depuis le milieu de cette année atteint 1,5%, ce qui plombe le budget de l’Italie de 6 Md€ par an. Et si l’Italie était l’Allemagne, elle économiserait environ 10 Md€ par an sur le coût de sa dette, soit le coût des mesures de Macron envers les gilets jaunes !
Compte tenu de cette situation marquée par de nombreuses incertitudes internationales, les mesures de soutien à l’économie sont les bienvenues. Les mesures sont justifiées sur le plan social et humain, et elles sont pertinentes sur le plan économique. La redistribution opérée avec ces mesures qui s’élèvent à 10 Md€ s’ajoute aux autres éléments qui devraient pousser la hausse du pouvoir d’achat à 3% en 2019. Cette hausse ne s’était pas produite depuis des années, et devrait donc être un soutien considérable à la croissance, qui dépend pour plus de moitié de la consommation.
La hausse des salaires, la baisse des charges sur les salaires, la suppression progressive de la taxe d’habitation, la baisse du prix du baril de pétrole vont doper la consommation des ménages, surtout que les gains de pouvoir d’achat bénéficient surtout aux plus modestes qui ont tendance à consommer tout euro supplémentaire gagné.
Il est vrai qu’Emmanuel Macron a beaucoup œuvré depuis le début de son mandat pour que les entreprises retrouvent de la compétitivité. Cela était absolument nécessaire, voire vital. La France a connu un fort déclassement depuis 10 ans quelque soit le critère retenu (part de marché à l’export, …).
La réforme du droit du travail, la baisse des charges (commencée avec François Hollande), la baisse progressive de l’impôt sur les sociétés étaient donc des mesures fortes destinées à enrayer les difficultés croissantes des entreprises françaises.
Les gilets jaunes ont rappelé à Emmanuel Macron que sa marque de fabrique était le fameux « en même temps ». La France doit tout faire pour avoir sur son sol des entreprises prospères qui investissent et créent des emplois. Et en même temps, il faut s’occuper du pouvoir d’achat des français, et en particulier des français les plus modestes qui souffrent réellement. Les deux ne sont pas incompatibles à condition de s’attaquer aux dépenses de l’État. Il faudra bien que l’exécutif s’y mette un jour.
Car pour être complet, le gouvernement doit continuer à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, soutenir les entreprises, et en même temps contenir le déficit public. Faire de la politique c’est faire des choix. Et Jean-Paul Sartre nous disait, « ne pas choisir, c’est encore choisir ».