Edito du mois : Le krach des cryptomonnaies


Mis à jour le: 23/06/2021 à 16h16 par Jonathan Levy

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Le bitcoin et l’ensemble des cryptomonnaies ont connu une journée noire le 19 mai avec une chute spectaculaire de 25 à 40%. Bien que ces actifs soient très jeunes, ce n’est pas la première fois que les cryptos subissent un tel krach : en 2014 et en 2018 on avait déjà assisté à des baisses de 80%, ce qui n’avait pas empêché les cours de repartir de l’avant et de battre record en record. Mais si on parle autant de la chute des cryptos cette fois ci, c’est parce qu’elles représentent une capitalisation de près de 2 000 milliards de dollars, et s’approchent d’une taille « systémique ». Les banques centrales vont-elles imiter la Chine et siffler la fin de la récréation ? Avons-nous enfin toucher le plafond de verre au-dessus de la tête du bitcoin et autres monnaies virtuelles ?

 

 

Une des causes du krach des cryptos est la nouvelle position de Pékin qui a interdit aux banques et aux entreprises de moyens de paiement de proposer à leurs clients des services liés aux cryptomonnaies. La Chine considère en effet que les cryptos, qualifiés d’actifs très spéculatifs, « perturbent l’ordre économique mondial ». Il est vrai que le pays est sur les rails pour émettre sa propre monnaie numérique (on pourrait s’interroger sur son impartialité), mais la Banque populaire de Chine (POBC) n’est pas la seule banque centrale à s’inquiéter du rôle néfaste des cryptos sur la stabilité financière. Dans son dernier rapport sur la stabilité financière, la BCE a récemment alerté sur les risques liés aux cryptoactifs. Elle souligne que « la montée en flèche du prix du bitcoin a éclipsé les bulles financières précédentes comme la crise des tulipes dans les années 1600 ».

 

Par définition, il n’y a pas d’ancrage évident pour déterminer la valorisation intrinsèque d’une cryptomonnaie, comme on peut le faire sur les autres devises traditionnelles. Dans ce cas, pour évaluer l’existence d’une éventuelle bulle financière autour du bitcoin, il faut évaluer le momentum de cours. On sait que les bulles sont caractérisées par une rapide et soudaine accélération des cours en fin de cycle, avant l’éclatement. Ainsi, la hausse totale des prix des tulipes fut de 5 900% en 3 ans de 1634 à 1637, mais la croissance des prix pendant les 4 mois précédant l’effondrement s’établit à elle seule à 2 200%. Plus récemment, la dernière année de hausse du S&P 500 de 1921-29 avait vu une progression de l’indice de 60% contre une progression moyenne annuelle de 26% durant ce cycle. De même, le Nasdaq avait fait plus que doubler entre octobre 1998 et mars 2000, avant l’éclatement de la bulle internet.

 

Si on regarde le parcours du bitcoin, on a de quoi s’inquiéter, car cela ressemble étrangement à ce qu’on a connu dans les exemples précédents. Le bitcoin s’est apprécié de 1200% par rapport à son point bas de mars 2020.

 

Au-delà du risque lié à l’extrême volatilité des cryptomonnaies, les banques centrales reprochent à ces actifs leur rôle dans le blanchiment d’argent (terrorisme, piratage informatique, …). Jérome Powell et Christine Lagarde, les responsables de la FED et de la BCE, l’ont encore rappelé en début d’année. Beaucoup appellent à une régulation contraignante des monnaies virtuelles.

Enfin, si la volte-face d’Elon Musk est très discutable (il a décidé de ne plus accepter les bitcoins pour acheter des Tesla comme il l’avait annoncé deux mois plus tôt), il ne faut pas négliger l’argument de fond qu’il a utilisé dernièrement. Il s’agit de l’impact très négatif des cryptos sur l’environnement. Car pour créer des cryptomonnaies, il faut des ressources informatiques considérables qui nécessitent des quantités énergétiques abyssales. Certains parlent même de catastrophe écologique qui pourrait mettre à plat tous les efforts que l’ensemble des pays tentent de mettre en œuvre dans la douleur. Une récente étude prédit que le minage du bitcoin en Chine atteindra en 2024 une consommation d’énergie équivalent à un pays comme l’Italie.

Avant même les déclarations d’Elon Musk, de plus en plus de voix dénoncent cette catastrophe, dont le fondateur de Microsoft. Il a lui aussi tiré la sonnette d’alarme sur l’empreinte carbone des cryptomonnaies. Cela pourrait finir par avoir des conséquences sur l’attractivité des cryptomonnaies, car les investisseurs sont des plus en plus sensibles aux critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance). En particulier, les jeunes sont plus mobilisés sur la thématique de l’environnement, or ils sont particulièrement actifs dans les cryptomonnaies.

 

De plus en plus d’investisseurs déclarent s’intéresser aux cryptomonnaies. Une enquête récente de Fidelity a montré qu’un tiers des institutionnels sont déjà exposés à ces actifs. Et nous savons qu’il en est de même pour les investisseurs particuliers. Parmi ceux qui nous lisent régulièrement, il est fort probable qu’ils soient déjà nombreux à avoir investi ou qui s’apprêtent à le faire. Il est de notre devoir d’alerter sur les risques qui entourent ces cryptos actifs. Un conseil en présence de bulle avérée : ne soyez pas le dernier à rentrer sur le marché !

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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