Edito du mois : L’effet papillon


Mis à jour le: 19/06/2019 à 14h29 par Jonathan Levy

Edito du mois : effet papillon

Le météorologue Edward Lorenz posait la question en 1972 : le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?

Si des travaux récents ont montré que l’effet papillon n’est pas applicable à la modélisation de l’atmosphère, on peut affirmer aujourd’hui qu’il est tout à fait adapté aux marchés financiers : le gazouillis d’un homme à Washington DC peut provoquer une tornade sur les marchés à Pékin et à Berlin.

 

En effet, le tweet de Trump de début mai, menaçant la Chine de nouvelles taxes douanières, a eu un impact considérable sur les bourses mondiales.

Plus généralement, on constate que la guerre commerciale, lancée par Trump début 2018, a un impact significatif sur les économies européennes et chinoises. Pour envisager sereinement l’avenir sur les marchés, il faut bien anticiper l’évolution de ce dossier dans les prochains mois et les prochaines années. Plusieurs questions se posent.

 

Peut-on espérer un assouplissement des positions de Trump ?

 

Plusieurs arguments laissent penser que non. Trump a une popularité assez haute pour un président en exercice, entre 40 et 45% d’opinions favorables. Dans son pays, il est plutôt conforté dans sa politique actuelle vis-à-vis de la Chine.

Et surtout, les chiffres économiques publiés ces derniers temps confortent également le président américain. La croissance économique a largement dépassé les 3% au 1er trimestre, et le taux de chômage a franchi le plus bas niveau depuis 50 ans.

 

La Chine a-t-elle des moyens de pression sur les États-Unis ?

 

On utilise souvent l’argument des 1 000 Md$ d’obligations américaines détenues par les Chinois. Cet argument est faible : si la Chine vendait ses titres sur le marché pour déstabiliser la dette américaine, la FED pourrait, sans problème, racheter ces titres mis sur le marché, comme elle l’a largement fait après la crise des supbrimes pour relancer sa croissance.

Quant à l’utilisation de sa monnaie, le Yuan, cela paraît également peu probable. Une baisse marquée de la devise pourrait avoir des effets négatifs pour la Chine elle-même. Cela aurait pour conséquence de provoquer une fuite de capitaux, que la Chine doit éviter absolument.

Reste une arme commerciale : la Chine détient 90% des terres rares exploitées dans le monde. Cela est absolument capital pour les téléphones portables notamment.

 

Qui a le plus à perdre dans cette guerre commerciale ?

 

Sur le plan économique, la Chine parait beaucoup plus fragile que les États-Unis. C’est en même temps la source et la solution du problème : la Chine est très dépendante de ses exportations, contrairement aux États-Unis. Il est donc logique que ces derniers souffrent moins pendant la période de ralentissement du commerce international imposée par Donald Trump.

 

Au fond, que veut vraiment Trump et peut-il l’obtenir ?

 

Le reproche de Trump à l’égard de la Chine est de « doper » les exportations. Trump a un objectif majeur, celui de réduire le déficit commercial des États-Unis. Il est constant sur le sujet depuis les primaires de 2015-2016. Selon lui, les pratiques commerciales chinoises ne sont pas conformes au droit international. Sur cette question, la Chine pourrait lui apporter des réponses concrètes.

Il reproche également à la Chine la remise en cause de la propriété industrielle. Sur cette question, la Chine peut s’engager, mais il sera difficile pour les États-Unis d’avoir la certitude que les engagements en la matière seront tenus.

Quant à la guerre technologique, celle-ci ne nous semble pas être l’objectif premier pour Trump, mais plutôt le moyen d’arriver à ses fins. Le président américain n’est pas très proche des entreprises de la Silicon Valley, ce n’est pas vraiment pour elles qu’il se bat. Il ne fait qu’utiliser l’affaire Huawei pour obtenir une marge de négociation supplémentaire. Cette affaire ne devrait donc pas être un frein à l’émergence d’un accord sino-américain, au contraire.

 

En conclusion, même si Donald Trump a de belles cartes en main, il a compris, depuis décembre dernier, qu’il a un talon d’Achille : Wall Street.

Une guerre commerciale prolongée ruinerait la bourse de New York, qui pourrait connaitre alors une forte tempête. Ce n’est pas l’effet papillon : s’il continue de souffler le chaud et le froid, il obtiendra la foudre quelques kilomètres plus loin à Wall Street. Il ne peut pas se le permettre alors que les élections présidentielles américaines approchent à grands pas.

Trump et Xi Jinping, sont condamnés à s’entendre.

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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