Edito du mois : L’énergie est notre avenir… et notre présent


Mis à jour le: 28/10/2021 à 16h02 par Jonathan Levy

 

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Si le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas, vous pouvez imaginer ce que provoque les mouvements d’un géant en Asie sur nos économies. C’est bien ce que nous sommes en train de vivre en ce moment : les changements de politique énergétiques de la Chine ont initié une hausse d’ampleur considérable sur les prix de l’énergie dans le reste du monde, notamment en France et en Europe. Ce phénomène est d’une telle force qu’il impacte considérablement notre pouvoir d’achat et nous questionne sur une résurgence durable d’une inflation élevée, question capitale pour tout investisseur.

 

Évidemment, la hausse des prix de l’énergie est d’abord attribuable à la forte reprise économique que nous avons connue, avec la sortie de crise sanitaire progressive. La demande de biens a été très vigoureuse dans le monde entier. Or, la production industrielle est la première source de consommation d’énergie dans le monde (pour 30% environ). Cela a donc contribué à faire grimper les prix de l’énergie.

Dans ce contexte de tensions sur les différents marchés énergétiques mondiaux, l’usine du monde qu’est la Chine a décidé de faire évoluer son mix énergétique pour des raisons environnementales. En effet, la Chine a une consommation assez atypique dans le monde, puisque le charbon est la première source d’énergie (près de 60% de sa consommation), devant le pétrole (environ 20%) et loin devant le gaz (7% seulement), alors qu’à l’échelle de la planète le mix est plus équilibré (27% pour le charbon, 32% pour le pétrole, et 23% pour le gaz). Du fait de la structure de son économie, basée en grande partie sur le secteur industriel, la Chine est depuis 12 ans le premier consommateur au monde d’énergie, avec 20% de la consommation mondiale (alors que sa population représente 18% de la population mondiale). Et du fait de son mix énergétique, la Chine est le plus gros pollueur de la planète, puisqu’elle représente 30% des émissions de CO2 !

Depuis le début de l’année, elle a cherché à rééquilibrer un peu son mix énergétique en privilégiant le gaz naturel au détriment du charbon, qui émet beaucoup plus de CO2. Ainsi, elle a augmenté ses importations de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) de 30% sur 2021 par rapport à 2019, avant la crise du Covid. Ce mouvement a provoqué le début de la flambée des prix du gaz, qui se sont répercutés ensuite sur le prix des autres sources d’énergie (charbon, pétrole, …).

 

Bien sûr, ce phénomène n’est pas la seule raison de la hausse des prix de l’énergie. On peut citer les tensions géopolitiques entre la Russie et l’Europe (qui a vu ses importations de gaz naturel en provenance de la Russie baisser de 37% cette année), entre l’Australie et la Chine (qui a baissé ses importations de charbon en provenance d’Australie pour des raisons politiques), la faiblesse des stocks d’énergie en cette saison, ou encore la faiblesse des investissements dans les infrastructures pétrolières depuis 6 ans. Aux Etats-Unis, la production de pétrole de schiste est inférieure à son niveau de 2019, juste avant la crise sanitaire, là encore pour des raisons environnementales, probablement à cause des incertitudes liées à la politique de Joe Biden concernant la régulation en matière d’énergies fossiles.

 

A court terme, nous ne voyons pas d’effet permettant de corriger la hausse du prix des énergies. La demande va rester soutenue, et pourrait même accélérer avec le retour à la normale progressif de la mobilité. On rappelle que les transports sont le deuxième secteur le plus consommateur d’énergie au niveau mondial, après le secteur industriel. Or, le transport est encore loin derrière son niveau d’avant crise. Si le rattrapage sera beaucoup plus lent que dans d’autres domaines, il n’en reste pas moins que le transport devrait croitre dans les prochains mois et prochaines années. La consommation d’énergie devrait donc suivre le même mouvement, malgré les efforts pour une mobilité plus propre. D’ailleurs, à l’instar de ce qu’on a vu avec la Chine, cela peut avoir des répercussions négatives sur le prix des énergies.

 

Finalement, ce phénomène chinois ressemble un peu à celui des « gilets jaunes » que nous connaissons bien en France : si on cherche à aller trop vite pour lutter contre le réchauffement climatique, on risque de faire monter les prix de l’énergie par les taxes ou par le sous-jacent, ce qui écorne le pouvoir d’achat.

Un choix politique s’offre à nous. Il nous faut choisir entre deux priorités contradictoires : l’urgence environnementale de la lutte contre le réchauffement climatique ou l’urgence sociale de protéger le pouvoir d’achat. Un des enjeux majeurs des élections présidentielles à venir.

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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