Edito du mois : Les banques centrales, encore et encore…
Publié la première fois le: 21/02/2019 à 14h01
Mis à jour le: 21/02/2019 à 14h14
par Jonathan Levy
Depuis le début de l’année, les marchés financiers se portent bien. Au 20 février, le CAC est déjà en hausse de près de 10%. En 6 semaines, il a presque rattrapé la baisse de l’année 2018. L’environnement financier a radicalement changé en quelques semaines : les taux d’intérêts sont repartis à la baisse grâce aux discours des banques centrales. Une fois encore, elles nous sauvent la mise.
Fin 2018, les marchés financiers voyaient du noir partout. Ils assistaient à une montée en puissance des tensions sino-américaines, à un accroissement des risques politiques en Europe, notamment avec la perspective d’un Brexit « dur », c’est-à-dire sans accord entre l’UE et le Royaume-Uni. Au final, ces différents évènements avaient eu un impact défavorable sur la croissance en Europe et en Chine. Et, malgré ce contexte négatif, les banques centrales continuaient leur politique de resserrement monétaire. Ce cocktail a eu raison des marchés financiers l’année dernière.
Qu’est-ce qui a changé ?
Les grandes banques centrales de la planète ont modifié leurs discours en ce début d’année.
Pour commencer, la banque centrale américaine, la FED, devait continuer à remonter ses taux d’intérêts cette année, à raison de 3 ou 4 hausses. Or, elle a mentionné que, dorénavant, elle envisageait de faire une pause. On ne devrait donc pas assister à de hausse des taux aux États-Unis avant l’année prochaine. Comme ses prédécesseurs, Jérôme Powell finit par se ranger du côté des « colombes ».
En Chine, la banque centrale a également pris des mesures de soutien à l’économie. Elle a notamment diminué les réserves obligatoires pour les banques commerciales. Par ce biais, elle a facilité le financement de l’économie par les banques.
Enfin, en Europe, la BCE a également changé de discours. Depuis le 1er janvier, elle a fini son programme de quantitative easing, elle n’achète plus d’obligations sur les marchés. Elle avait annoncé que la première hausse des taux directeurs pourraient intervenir cet été. Mais là encore, compte tenu du ralentissement économique et de la montée des risques, elle envisage de reculer cette échéance, autant que nécessaire. Elle s’est dite ouverte à d’autres mesures de soutien, qui avaient bien fonctionné dans le passé. Cela peut prendre la forme du « LTRO », ce fameux prêt à moyen terme auprès des banques commerciales dans des conditions financières très avantageuses. La BCE avait mis en place une condition pour obtenir ce prêt : les banques devaient justifier qu’elles injectent ces fonds dans l’économie réelle.
Quelles marges de manœuvre ?
Les banques centrales continuent donc de soutenir massivement l’économie. Mais quelles marges de manœuvre ont-elles encore ?
Un des objectifs des banques centrales est le contrôle de l’inflation. Or, malgré l’expansion du cycle aux États-Unis, force est de constater que l’inflation ne décolle toujours pas. En décembre, elle est même retombée à 1,6% sur un an, loin de l’objectif de 2%. La FED a donc raison de changer son fusil d’épaule et d’adapter sa politique à la situation actuelle. Elle en a clairement les moyens.
Cela dit, certains s’inquiètent des risques à moyen terme de la situation des États-Unis. C’est le cas d’Alan Greespan, patron de la FED pendant 20 ans de 1987 à 2006. Sa critique ne porte pas sur le revirement de la FED, mais plutôt sur la politique budgétaire portée par Trump. En effet, le Président américain a beaucoup creusé le déficit public, au plus haut depuis 2012. Il devrait encore monter jusqu’en 2020-2021. D’après Greespan, le creusement du déficit pourrait générer une hausse de l’inflation. Il craint que la FED soit alors obligée de réagir en montant rapidement ses taux directeurs, ce qui provoquerait une récession.
Pour l’instant, on ne voit pas de signe de surchauffe aux États-Unis. L’inflation reste sous contrôle, probablement pour des raisons structurelles (impact des nouvelles technologies sur l’économie, effet de la mondialisation). Dans le contexte actuel, les banques centrales ont raison d’utiliser les moyens dont elles disposent actuellement pour soutenir la croissance. L’emploi et le pouvoir d’achat en dépendent. C’est donc tout à fait d’actualité en France, compte tenu des doléances des français qui ressortent du grand débat national.