Edito du mois : L’Europe au pied du mur


Mis à jour le: 25/06/2020 à 13h50 par Jonathan Levy

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C’est dans les crises que l’Europe avance. Nous l’avions déjà constaté lors des précédentes crises que nous avons traversées ces deux dernières décennies : en 2007-2009 (crise des subprimes) puis en 2011-2012 (crise des dettes souveraines de la zone euro).

Comme le dit très bien un diplomate européen : « nous sommes tous d’accord sur une chose, c’est qu’il y a urgence ».  Ainsi, la gravité de la crise et la nécessité d’une réponse rapide permettent de concevoir un compromis européen impossible à trouver par temps plus calme.

 

Comme d’habitude, la Banque Centrale Européenne est la première des Institutions européennes à réagir à la crise. Elle a fait preuve, encore cette fois-ci, d’une grande efficacité. Sa politique monétaire explique à elle seule la fantastique stabilité financière de la planète euro, et on ne peut que s’en réjouir. Elle a d’abord lancé un vaste programme de rachat d’actifs, le plan urgence pandémie, qui consiste à acheter des obligations d’États et d’entreprises pour la bagatelle de 1 350 milliards d’euros. Ce plan permet d’assurer le financement de l’augmentation exponentielle des dettes des États européens.

L’euro, constitue donc un formidable paratonnerre dont on voit les effets positifs pendant les crises. Sans la politique monétaire de la BCE, la dette italienne n’aurait peut-être pas survécu aux attaques des marchés au début de la crise sanitaire, où on a vu les taux des obligations italiennes s’envoler avant de redescendre à des niveaux plus supportables.

 

La BCE a lancé la semaine dernière un plan qui complète l’arsenal spectaculaire déjà mis en place. Il s’agit de prêts aux banques européennes qui sont en première ligne pour soutenir l’économie européenne. A condition qu’elles s’engagent à maintenir leurs prêts au niveau d’avant la crise sanitaire, elles ont pu emprunter, auprès de la BCE directement, à un taux négatif de -1%, condition financière très avantageuse pour les banques commerciales.

Mais l’enjeu est de taille pour la BCE. En effet, ce pilier de la politique monétaire revêt un caractère particulièrement important en Europe, car les prêts bancaires représentent la principale source de financement de l’économie européenne, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis par exemple. Ces financements devraient permettre d’éviter le phénomène de « crédit crunch » que nous avons vécu en 2008 pendant la crise des subprimes : les difficultés de financement des banques avaient provoqué un arrêt brutal du crédit bancaire ce qui avait précipité la crise économique.

Le succès a été au rendez-vous pour cette opération, avec des chiffres qui font tourner la tête : le montant total octroyé par la BCE aux banques commerciales a atteint le record de 1 310 milliards d’euros, soit 2,5 fois plus que le précédent record de mars 2012, au cœur de la crise des dettes souveraines de la zone euro. Ce montant représente près de 12% du PIB de la zone euro, ce qui fait que cette arme devrait avoir d’immenses retombées économiques. Par ce biais, la BCE s’assure de la transmission des mesures qu’elle met en place à l’économie réelle.

 

Pour juger de l’efficacité de l’Europe à gérer ce type de crise économique et financière, il reste à appréhender le volet budgétaire de la réponse de l’Europe. La proposition de la Commission, avec l’appui de la France et de l’Allemagne est très ambitieuse : elle propose d’emprunter au nom de l’Union Européenne tout entière 750 Md€, et d’en redistribuer 500 Md€ sous forme de subventions, puis 250 Md€ sous forme de prêts. Les chiffres paraissent certes très importants, mais ils sont à la hauteur des besoins nés de la crise économique que nous traversons. Les dirigeants européens doivent se réunir en juillet pour trancher sur ce plan de relance, ainsi que sur le budget 2021-2027. S’il était mis en place, cela constituerait à la fois une réponse appropriée de l’Europe à la crise économique, et en même temps un extraordinaire symbole en termes de construction européenne, avec une solidarité renforcée.

A quelque chose malheur est bon. Albert Cohen disait : « le malheur est le père du bonheur de demain ».

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr