Edito du mois : L’impact de la guerre Russie – Ukraine sur les bourses mondiales


Mis à jour le: 24/02/2022 à 16h23 par Jonathan Levy

Edito du mois - Impact conflit russo-ukrainien - Couv

Contrairement aux idées reçues, les crises géopolitiques et les guerres n’ont jamais d’impact durable sur les bourses. Bien sûr la volatilité a tendance à augmenter lors de la survenue d’une crise géopolitique, et parfois de manière spectaculaire, mais historiquement, on constate que les bourses mettent peu de temps à retrouver leur niveau d’avant crise. Mais cette fois, cela pourrait être différent dans un contexte d’inflation qui atteint des niveaux stratosphériques pour les économies américaine et européenne.

 

Le problème majeur que pose la crise actuelle ne se voit pas dans le poids économique des deux acteurs, la Russie et l’Ukraine. Le premier représente moins de 2% du PIB mondial, et le second à peine 0,2%. Si les bourses mondiales semblent marquées par le conflit actuel (l’Eurostoxx a perdu 13% depuis son point haut début janvier), c’est que celui-ci intervient à un moment clé pour nous : l’inflation atteint des niveaux inédits depuis des décennies, poussées par la hausse des prix de l’énergie. Or, la Russie est le 3è producteur mondial de pétrole, et le 2è pour le gaz naturel (17% de la production mondiale). Et si on raisonne en termes d’exportations nettes, la Russie est même numéro un au monde.

Pour l’Europe, le sujet est extrêmement sensible puisque 26% des importations de pétrole de l’Union Européenne proviennent de la Russie et 45% des importations de gaz naturel. La crise entre la Russie et l’Ukraine, et en filigrane entre la Russie et les États-Unis, a poussé encore les prix de l’énergie à la hausse. Le pétrole frôle actuellement les 100 USD le baril, et le prix du gaz naturel a progressé de 65% en 5 jours !

 

La cause première de la montée de l’inflation de part et d’autre de l’Atlantique est la hausse du prix de l’énergie, en particulier du gaz naturel (et par répercussion de toutes les sources d’énergie). Ainsi, la crise actuelle ne fait qu’amplifier un problème qui nous fragilise déjà depuis un an. Elle continue d’alimenter la hausse des prix de l’énergie, et d’augmenter ainsi les pressions inflationnistes qui s’exercent.

Les banques centrales doivent lutter contre une éventuelle spirale prix-salaire-prix qui se met peut-être en œuvre aux États-Unis. Avec une hausse des prix de 7,5% sur un an, le pays connait sa plus forte poussée des prix depuis 40 ans. La FED doit donc lutter pour faire redescendre le thermomètre qui s’emballe un peu trop. Dans le passé, ces ajustements de politique monétaire ont parfois conduit à une récession.

 

En Europe, la hausse des prix est légèrement moins forte, mais l’impact de la crise ukrainienne est plus important. Tout laisse à penser que les prix de l’énergie vont rester élevés pour une longue période. Les européens ne pourront pas se passer rapidement du gaz russe, les autres pays exportateurs étant déjà en flux tendus. Les capacités de production ne sont pas assez importantes dans le monde pour se passer du gaz russe. De plus, les besoins en gaz ne font qu’augmenter partout dans le monde. On doit remplacer les centrales à charbon un peu partout, et le gaz est une des sources alternatives. Il faudra d’énormes investissements pour subvenir à la hausse de la demande de gaz, mais les cycles d’investissement sont très longs (on parle de 3 à 4 ans). On commencera donc à apercevoir les retombées des nouvelles infrastructures qu’à partir de 2025. Mais le problème est que la demande continuera d’augmenter, en particulier dans des pays comme la Chine (où le charbon représente encore une place prépondérante). Changer le mix énergétique de l’Europe va prendre beaucoup de temps, les énergies n’étant pas facilement substituables. De plus, il faudra miser sur d’autres partenaires, et négocier des contrats plus couteux avec des partenaires plus lointains.

 

La situation était déjà compliquée à gérer pour les banques centrales, mais cela devient encore plus délicat avec la guerre qui éclate en Europe. Elles jouent un rôle majeur dans la stabilisation des marchés lors des crises, qu’elles soient économiques ou géopolitiques. Jusqu’à présent, elles rendaient leur politique monétaire plus accommodante, notamment en baissant les taux d’intérêt et en lançant des programmes divers de rachats d’actifs. Mais cette fois, leur marge de manœuvre est beaucoup plus faible, avec une inflation qui risque d’accélérer encore un peu.

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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