Edito du mois : L’inflation accélère, la BCE temporise


Mis à jour le: 29/09/2021 à 06h50 par Jonathan Levy

Edito du mois : l'inflation accélère, la BCE temporise

Il n’est pas un jour où l’on ne parle pas de la hausse des prix. Tous les domaines sont à présent concernés, même ceux qui semblaient y échapper. Mais cette hausse des prix, qui va nécessairement amputer le pouvoir d’achat des français, est-elle passagère comme le pense la Banque Centrale Européenne, ou signe-t-elle un changement de paradigme, une remontée structurelle de l’inflation comme dans les années 70 ?

Dans le premier cas, la BCE pourra prolonger sa politique expansionniste de taux bas, dans le second cas, elle devra relever ses taux et mener une politique restrictive.

 

La hausse des prix est d’abord venue des matières premières et de l’énergie. Les tarifs réglementés du gaz ont déjà augmenté de 10% en juillet, 5% en août, 8,7% en septembre et augmenteront de 12,6% en octobre. Depuis le début de l’année, la hausse atteint près de 60%. La France importe 99% de sa consommation de gaz et est donc dépendante des marchés internationaux, sur lesquels on a observé une explosion du prix de 300% en 2021.

Le pétrole atteint lui aussi un niveau très élevé, le plus haut depuis 2018, bien avant la crise sanitaire. Le brent se négocie actuellement à 80 $ le baril, ce qui représente une augmentation de 55% depuis le 1er janvier, et 90% sur un an.

Le cours de l’électricité négociée sur les marchés a également fortement augmenté cette année, avec une hausse vertigineuse de 300% !

 

Une reprise économique source de tensions sur les prix

 

Ces chiffres affolent l’inflation publiée par l’INSEE. A fin août, l’inflation française atteignait 2,4% sur un an glissant, et pourraient encore monter dans les prochains mois. La composante « énergie » est en hausse de 12% sur un an, mais les prix des autres biens, qui sont restés plutôt calmes pour l’instant, pourraient accélérer dans les prochains mois.

Très peu de secteurs échappent à la situation de tension que nous connaissons actuellement. Le secteur automobile est largement touché par la pénurie de semi-conducteurs au travers le monde depuis plusieurs mois, et les perspectives ne semblent pas s’améliorer à court terme. Dans un autre domaine, Nike a fait part de ses problèmes d’approvisionnement qui touchent tout le secteur des chaussures et des vêtements. Cela se traduira par une moindre croissance du chiffre d’affaires, mais aussi par une hausse des prix. Ikea a déclaré de son côté que 20% de ses rayons étaient amputés à cause des perturbations de chaines d’approvisionnement. Le fabricant de papier-toilette Lotus tire lui aussi la sonnette d’alarme, en pointant du doigt les problèmes liés à la hausse du coût des matières premières, notamment la pâte à papier, mais aussi du transport et de l’énergie. Là encore, des hausses de prix sont à prévoir pour compenser la compression des marges des industriels. Il semble ainsi inéluctable que la hausse des prix va continuer d’augmenter pendant quelques mois au moins.

 

Les usines chinoises en tension

 

La reprise post-Covid a été tellement forte qu’elle a engendré une situation de tension extrême, en particulier en Chine, l’usine du monde, où la consommation d’énergie est très importante. Cela créée une situation sans précédent de pénurie d’électricité qui impacte fortement l’activité économique du pays : de nombreuses usines sont contraintes de fermer temporairement. Le gouvernement chinois en arrive même à devoir donner des quotas de consommation d’électricité aux industriels, qui sont menacés de fermeture en cas de non respect.

Tous ces éléments semblent être des facteurs conjoncturels, et non structurels. Même si cela va avoir un impact non négligeable sur la reprise économique sur les trimestres à venir, cela ne remet pas en cause, pour l’instant, les politiques monétaires ultra accommodantes. Les taux devraient rester bas pendant encore longtemps, et favoriser ainsi le marché des actions. Mais l’inflation sera surveillée comme le lait sur le feu par les banquiers centraux : un changement soudain de discours de leur part aura un impact majeur sur les marchés financiers, il vaut mieux se préparer à cette éventualité.

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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