Incarne toi-même le changement que tu veux voir dans le monde


Mis à jour le: 10/07/2018 à 15h13 par Jonathan Levy

EDITO

L’Espagne, qui était dans une situation délicate en 2012, a présenté une facette nettement plus favorable en 2015. Le déficit, qui s’était creusé jusqu’à 10,4%, a été ramené à 5% en 4 ans. La croissance est fortement remontée (3,2% en 2015) et le chômage a beaucoup baissé (de 24% à 20%), même s’il reste du chemin à parcourir jusqu’au plein emploi. Ce joli parcours doit être salué, et est le fruit de vraies réformes audacieuses.

 
Le ministre de l’Economie espagnol, Luis de Guindos, vient de communiquer ses projections de finances publiques : le nouveau plan, qui sera envoyé à Bruxelles prévoit une année supplémentaire pour ramener le déficit public en dessous de la barre fatidique de 3%. Ce sera donc en 2017 et non plus en 2016 comme annoncé précédemment.

 
Cette nouvelle demande devrait passer sans trop de difficultés à Bruxelles. Cela marque ainsi une rupture dans la vision européenne, qui privilégie désormais la croissance, et non plus le retour absolu à l’équilibre.

 
Parallèlement, la Banque Centrale Européenne accélère son programme de rachat de dettes souveraines de la zone euro. En conséquence, les pays qui, comme l’Espagne ou la France, réduisent leurs efforts budgétaires, n’auront aucun mal à financer leurs déficits, grâce à la BCE. Mais, si cette idée est bonne pour la croissance et pour l’emploi, pourquoi ne pas l’accentuer au contraire ? Pourquoi ne pas creuser davantage les déficits publics, puisque la BCE semble être capable de racheter plus de dettes encore ?

 
La question est plus sérieuse qu’il n’y paraît et a même été évoquée par Mario Draghi lui-même quand on l’a interpellé sur la monnaie hélicoptère.

 
C’est une notion inventée par l’économiste Milton Friedman, prix Nobel d’Economie en 1976, et probablement un des économistes les plus influents du XXè siècle. Cela consiste à distribuer des billets à la population au hasard en les lâchant d’un hélicoptère. Cette idée, à la fois simpliste et apparemment géniale, pose en fait deux problèmes.

 
Le premier est d’ordre politique. Si la banque centrale distribuait des billets, il faudrait s’assurer que cela soit équitablement réparti, mais rien n’est moins sûr. C’est là que le politique doit intervenir, sans tomber dans le clientélisme. Ce n’est pas rassurant. Cela peut pousser les populistes au pouvoir, avec tous les dégâts que cela peut engendrer. L’idée de la monnaie hélicoptère donne l’impression à la population qu’il n’est pas nécessaire de faire des efforts puisque tout finit par se régler d’un coup de baguette magique. C’est évidemment archi faux.

 
L’autre sujet est économique. Financer, par de la dette ou par de la création monétaire, la distribution d’argent n’est efficace économiquement que si on l’investit à long terme. Il vaut mieux favoriser l’investissement d’avenir que les dépenses courantes. Là encore, il faut des politiques économiques courageuses. Cela passe aussi par de la pédagogie.

 
Le débat politique prend de l’ampleur en Allemagne. La droite critique la politique monétaire de Mario Draghi sous un autre angle d’attaque : selon Wolfgang Schäuble, le très respectable ministre des Finances allemand, qui a contribué à sauvé la zone euro en 2012, la BCE exproprie les Allemands avec des taux d’intérêts bas qui rognent leur épargne.

 
En réalité, Schäuble s’adresse de cette manière aux millions d’Allemands retraités, qui vivent de leur épargne. En somme, il fait lui aussi du clientélisme.

 
Il oublie de dire que l’Allemagne est de loin la première bénéficiaire de la politique de la BCE. Le pays emprunte à des taux négatifs, c’est-à-dire que l’Allemagne gagne de l’argent en empruntant ! Cela contribue largement à la relance économique en Allemagne, et ça profite donc à tous.

 
Faut-il le rappeler ? Le but de la politique économique de la BCE est de créer un environnement favorable à la croissance. Elle pousse les taux d’intérêt à la baisse pour inciter les acteurs économiques à investir dans des projets créateurs d’emploi. Les dirigeants allemands doivent expliquer à leur population vieillissante que pour vivre de son épargne aujourd’hui, il faut investir à long terme et prendre un peu de risque. C’est certes moins confortable pour l’électorat de Schäuble, mais le système est économiquement juste et efficace si tout le monde joue son rôle.

 
Le président de la BCE mène la politique monétaire, les dirigeants politiques mènent la politique budgétaire.

 
Gandhi disait : « vous devez être le changement que vous voulez voir dans le monde ».

 
Que chacun fasse son job, et arrête de compter sur son voisin.
 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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