La fin des taux négatifs ?


Mis à jour le: 10/07/2018 à 15h01 par Jonathan Levy

Hausse courbe taux

Le contexte a considérablement changé en ce début d’automne pour la BCE, et pourrait marquer un point d’inflexion sur les taux d’intérêt.

 

Tout d’abord, la BCE se rend compte qu’elle a besoin des banques commerciales, pour relancer la machine économique. Elle attend à juste titre qu’elles jouent leur rôle de financement de l’économie, sans quoi les investissements ne peuvent avoir lieu. Or, la politique de taux négatif pèse sur les marges des banques. Et, comme par ailleurs on exige toujours plus de fonds propres prudentiels lorsqu’elles prêtent, elles doivent dégager des résultats élevés pour accélérer le développement de leur activité. La BCE pourrait donc laisser les taux à long terme remonter pour redonner de l’air aux banques commerciales.

 

Autre élément de contexte, l’inflation. C’est d’ailleurs l’objectif officiel des banques centrales, que de la faire remonter vers 2%. Lorsque la BCE a lancé son fameux programme d’achat d’actifs (« quantitative easing ») début 2015, la déflation menaçait. Il était alors urgent de sortir l’artillerie lourde.

Or, l’inflation est en partie corrélée avec les prix du pétrole. La baisse de celui-ci a entraîné l’inflation en territoire négatif. Mais, depuis quelques mois les pays producteurs tentent de s’organiser pour juguler l’offre sur le marché, afin de faire remonter les prix. Un accord inopiné semble se dessiner parmi les plus gros pays producteurs de la planète (et qui sont par ailleurs en guerre froide !), l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Russie. Le baril de pétrole pourrait s’installer durablement au dessus de 50$, ramenant mécaniquement l’inflation autour de 1,5%. La pression est donc moins grande du côté de la banque centrale.

 

Autre paramètre de l’équation, l’euro. La politique des autres banques centrales dans le monde est à prendre en compte, car cela peut avoir un impact pénalisant sur la devise. Or, pour la première fois depuis des années, les intérêts des américains et des européens sont alignés. La FED cherche depuis longtemps à sortir de sa politique monétaire ultra-accommodante, sans déstabiliser les marchés financiers ou l’économie mondiale. La perspective des hausses de taux aux Etats-Unis pourrait faire monter fortement le dollar, et casser la croissance dans le pays. Si la BCE annonce une sortie progressive de son quantitative easing au même moment où la FED remonte ses taux, l’euro et le dollar devraient être assez stables.

 

Enfin dernier élément, le mix entre la politique monétaire et la politique budgétaire. Jusqu’à présent, la banque centrale agissait seule pour relancer l’économie. Elle menait une politique très accommodante quand les responsables politiques menaient une politique budgétaire plutôt restrictive. Mais là aussi le consensus évolue. La BCE a fait ce qu’il fallait de son côté, mais pour accélérer la croissance qui souffre du vieillissement de la population et du manque d’investissements, il faut passer le relais aux responsables politiques. Partout dans le monde on lance des programmes d’investissements massifs (aux Etats-Unis, quelque soit le vainqueur aux présidentielles, au Japon et en Europe). Là encore la pression diminue du côté de la BCE et augmente du côté des politiques.

 

Les taux négatifs ont un effet inattendu. On pensait que cela allait booster les crédits, en les rendant plus attractifs. Mais finalement, on se rend compte que cet effet est limité à cause des banques. L’idée qui prédomine aujourd’hui est donc de laisser les taux à long terme remonter un peu, ce qui sera paradoxalement plus efficace. Il ne s’agit donc pas d’un véritablement changement de politique monétaire en Europe, mais plutôt d’un ajustement. Les taux à court terme devraient rester négatifs encore longtemps, mais les taux à long terme pourraient remonter vers 1-1,5% (contre 0,2% actuellement pour les emprunts d’Etat français), ce qui reste bas, et donc favorable pour les emprunteurs. Le contexte actuel offre une fenêtre sans précédent pour cet ajustement monétaire, la BCE ne doit pas laisser passer sa chance, avant que la fenêtre ne se referme. Janet Yellen a fait les frais de ses atermoiements pendant près de deux ans, Mario Draghi devrait y prendre garde.

Honoré de Balzac écrivait : « Choisir ! C’est l’éclair de l’intelligence. Hésitez-vous ? Tout est dit, vous vous trompez ».

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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