La tragédie grecque


Mis à jour le: 10/07/2018 à 15h33 par Jonathan Levy

La tragédie grecque est un genre théâtral qui met en scène des personnages connaissant une fin tragique, malgré une intervention divine. A n’en pas douter, c’est bien ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui.

La divinité n’est pas difficile à trouver dans cette pièce, elle s’appelle « Union Européenne ». La Grèce a reçu plus de 80 Md€ de subventions de sa part depuis son adhésion début des années 80 (3% de son PIB par an !). Elle a également été financée à près de 100% par les membres de l’UE directement ou indirectement (via les mécanismes MES, FESF, ou les institutions BCE et FMI). Et pourtant, les Grecs ont massivement voté « non » au référendum qui leur demandait s’ils approuvaient le plan proposé par les créanciers.

Depuis le début des discussions, Tsipras joue avec une seule carte dans son jeu, qui fonctionne pour l’instant très bien. Il estime que l’Europe a plus à perdre que la Grèce d’un échec des négociations. Il est vrai que nombre de dirigeants politiques l’avouent explicitement, le Président et le Premier ministre français en tête. Pas fameux pour commencer une négociation…

Mais la Grèce et les 18 autres pays européens paraissent de plus en plus éloignés. Aux yeux de beaucoup de pays européens, les Grecs ont perdu toute crédibilité dans leur réelle volonté de conduire des réformes. D’un côté, Alexis Tsipras ne pourra pas accepter un plan qui ressemble de près ou de loin à celui que les Grecs ont rejeté. D’un autre côté, il est inenvisageable que l’Europe renonce à ces réformes. Faire un geste en restructurant la dette paraît très difficile à court terme, tant que Tsipras n’aura pas montré patte blanche. Il n’en prend pas le chemin.

Ce n’est pas seulement qu’on ne parle pas la même langue, mais on ne partage pas du tout le même référentiel de valeurs. Un accord semble de moins en moins souhaité par les deux parties. La crise est en train de se transformer en bataille de communication pour faire porter la responsabilité de l’échec sur l’autre camp.

 

Le Grexit est probablement la fin inéluctable de cette crise. Mais est-ce si grave ?

 

Pour l’Europe, le risque de contagion me semble très faible. Nous ne sommes pas dans la situation de 2011/2012, lors de la crise des dettes souveraines européennes. D’abord, les pays fragiles (Irlande, Portugal, Espagne) ont fait d’importants efforts, qui se sont traduits en gain de compétitivité. Ils en récoltent les fruits aujourd’hui, avec une croissance attendue assez soutenue. Ensuite, l’Europe s’est dotée de plusieurs mécanismes de stabilité financière (FESF puis MES) de plusieurs centaines de milliards d’euros. Enfin, la BCE a mis en place plusieurs programmes (QE, OMT) qui empêcheront les taux de s’envoler. D’ailleurs, malgré les événements depuis un mois, les taux des dettes souveraines n’ont quasiment pas bougé, et l’euro se tient très bien.

 Au contraire, un Grexit pourrait rendre la zone euro un peu plus homogène. La crise grecque a commencé à éclater en 2010. Cela fait 5 ans que nous vivons un psychodrame tous les 6 / 12 mois, qui génère de l’inquiétude sur les marchés financiers et affaiblit la confiance dans la zone euro. Après une période d’observation, les marchés pourraient de nouveau revenir sur les fondamentaux de l’économie, qui connait une embellie estivale. La nouvelle baisse du pétrole témoigne de nouveau de l’alignement des planètes favorable à la croissance. Celle-ci devrait s’accélérer en zone euro dans les prochains mois.

Pour la Grèce en revanche, les lendemains de fête risquent d’être difficiles. L’économie va probablement plonger avec le retour à la drachme. Les économistes avancent une chute de 10% du PIB en un an selon ce scénario. Les tragédies grecques finissent toujours mal. Mais personne ne peut s’en réjouir. 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr