Le modèle allemand en question


Mis à jour le: 26/04/2019 à 13h33 par Jonathan Levy

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Cela fait des années que ce n’était pas arrivé : la croissance devrait être nettement supérieure en France qu’en Allemagne en 2019. On s’attend à une croissance de 1,4% pour la France, quand l’Allemagne prévoit 0,5%. Il faut remonter à 2005 pour voir un tel écart de croissance en faveur de la France. Les fameuses réformes du marché du travail Outre-Rhin, les lois Hartz, ont commencé à produire leurs effets dès l’année suivante. L’économie allemande, devenue plus compétitive, s’est alors mise à exporter massivement. La croissance a décollé et le chômage a fondu.

Mais aujourd’hui, dans le contexte de montée du populisme, de repli sur soi et de rejet de la mondialisation, le modèle allemand est-il à bout de souffle ?

 

« Il faut d’abord relativiser la contre-performance de l’Allemagne. » 

Certes la croissance est presque à l’arrêt, mais le chômage a atteint son niveau le plus bas depuis près de 30 ans, depuis la réunification du pays en 1990. Le chômage en France reste lui à un niveau du double de celui de l’Allemagne. La dette publique allemande est aussi attendue en baisse. Cette diminution de la dette provient en partie du bon niveau de la croissance de ces dernières années et de l’effort budgétaire (excédent de 1,70% en 2018).

Alors que le poids de la dette publique était comparable en Allemagne et en France au moment de la crise des subprimes il y a 11 ans, l’écart devrait être de 40% en 2019. La dette est passée de 81% en 2012 à moins de 60% en 2019. En France, la dette avoisine les 100% actuellement !

 

Tous ces chiffres soulignent bien la performance de l’économie allemande au cours des 15 dernières années. Mais elle doit affronter aujourd’hui de nouveaux challenges et peut-être envisager de faire évoluer son modèle qui lui a tant réussi. En effet, si l’Allemagne ralentit nettement cette année, c’est en grande partie liée à la guerre commerciale lancée par Trump début 2018. Elle a eu pour effet de figer le commerce international. Or l’Allemagne est le pays européen le plus exposé, avec une part des exportations dans le PIB de 45% (contre 30% pour la France).

 

« Ce qui a fait la force de l’Allemagne hier représente le plus gros challenge aujourd’hui. » 

En effet, l’Allemagne vacille alors que Trump a surtout orienté ses attaques envers la Chine. Mais cela pourrait changer dans les prochaines semaines ou prochains mois. Les États-Unis devraient signer un accord majeur avec la Chine avant l’été. Ensuite, ils pourront se concentrer sur l’Europe et l’Allemagne en particulier, avec comme objectif de faire baisser le déficit commercial abyssal. La menace de hausse des barrières douanières pourrait alors être plus intense.

 

Depuis plusieurs années l’Allemagne tente de soutenir un peu plus sa consommation interne, en allégeant le fardeau pesant sur les ménages. Mais il faudra probablement aller plus loin. Un modèle basé uniquement sur les exportations est confronté au rejet des autres pays, qui se plaignent de perdre des emplois. L’Allemagne doit équilibrer un peu son modèle.

Le débat sur les finances publiques en dit long sur la position de la classe politique allemande. Le ministre des Finances social-démocrate est concentré sur sa trajectoire budgétaire de premier de la classe. Il vise à ramener la part de la dette allemande à 51% du PIB en 2023.

 

Certes, cela représente un matelas de précaution important qui permettrait au pays de traverser une crise éventuelle. De ce point de vue d’ailleurs, l’Allemagne représente une ancre de sécurité sur les marchés. Les taux d’intérêt à 10 ans sont toujours proches de 0%. Mais est-ce vraiment nécessaire dans le contexte actuel ? La BCE a déployé son parapluie, qui prévient de toute attaque sur les marchés financiers. La priorité pour l’Europe et pour l’Allemagne doit être de chercher à dynamiser la croissance, trop atone pour l’instant.

 

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr