Le pétrole, pour le meilleur et pour le pire


Mis à jour le: 05/07/2018 à 14h03 par Jonathan Levy

Nous avons commenté le mois dernier la baisse de l’euro par rapport au dollar.

Si celle-ci constitue une réelle victoire des Européens sur les Américains (c’est bien grâce à l’action de la Banque Centrale Européenne), il n’en n’est pas de même de la baisse des cours de pétrole. Ce n’est absolument pas grâce à la politique énergétique française ou européenne que cela s’est produit. D’ailleurs, parler de politique en la matière est un bien grand mot…

Il est vrai qu’on entend de plus en plus de monde, le premier ministre en tête, dire que la baisse des cours constitue un soutien à l’économie. Mais en même temps, chaque fois que le prix du baril baisse, les marchés actions chutent violemment, comme si c’était une mauvaise nouvelle pour les marchés. Comment expliquer cette contradiction ? Quels sont les avantages que procure concrètement la baisse du pétrole, et quels sont les risques pour notre économie ?

Pour les marchés financiers, le principal risque de notre économie est le risque de tomber en déflation. Cela fait des mois que nous constatons une baisse continue de l’inflation. Pour le mois de novembre, l’inflation est tombée à +0,3% sur un an, trop loin de l’objectif de la BCE de 2%, et trop près du territoire négatif. On le sait, cela constitue une catastrophe économique rendant plus difficile la lutte contre les déficits et le retour de la croissance. On parle de spirale déflationniste, car elle peut finir par s’auto-alimenter, tirer notre économie vers le bas, et finalement engendrer encore plus de chômage.

La baisse des prix du pétrole accentue le risque de déflation. On peut d’ailleurs estimer que les prix actuels ne répercutent pas encore toute la baisse du pétrole, celle-ci étant assez longue à se diffuser. Aussi, si les cours du pétrole restent sur les niveaux actuels de 60 $, il est probable que l’inflation tombe en territoire négatif courant 2015.

Ce scénario arrive au même moment où les mesures de la BCE se révèlent partiellement inefficaces. Les résultats des deux tranches de refinancement des banques (TLTRO) se sont avérés bien inférieurs aux ambitions initiales. Si la BCE en fait trop, elle pourrait engendrer des bulles spéculatives dangereuses pour l’économie, si elle n’en fait pas assez, nous tombons à coup sûr en déflation. Elle semble encore trop tergiverser, ce qui agace les marchés financiers.

Mais à côté de ces points négatifs, la baisse du pétrole apporte incontestablement une bouffée d’air immense à notre économie. Au niveau mondial d’abord, la production globale de pétrole est de 3 200 milliards de dollars, ça correspond presque au PIB de l’Allemagne. Le pétrole a baissé de plus de 45% depuis le 1er janvier, on peut donc s’attendre à une baisse de la facture pétrolière de 1 500 milliards de dollars. Cela correspond à un transfert de richesse considérable (de la taille de l’Espagne !) entre les pays exportateurs et les pays importateurs de pétrole.

 Au niveau des États-Unis, le bilan est contrasté car le secteur du pétrole prend de l’ampleur et certains producteurs auront des difficultés. Mais globalement le pays va plus gagner qu’il ne va perdre. Les automobilistes vont récupérer un chèque de 150 milliards de dollars au passage. !

Au niveau de la France enfin, on peut s’attendre à un gain (i.e. une réduction de la facture d’hydrocarbure) de 23 milliards d’euros sur une année pleine, soit 1% de PIB. Les automobilistes seront les premiers à profiter de cette manne. Le reste étant réparti entre les entreprises et l’État. Cela redonne un pouvoir d’achat considérable aux français et permet à des entreprises de certains secteurs (industrie en général, transport en particulier) de reconstituer leurs marges. Globalement, les pays développés ont beaucoup à attendre de la baisse du pétrole et les bénéfices semblent bien supérieurs aux inconvénients.

 Alors, pour finir, cette situation est-elle durable ?

 La cause de la baisse du pétrole me semble être bien plus une crise de l’offre qu’une crise de la demande. Les pays producteurs se livrent à présent une guerre sans merci et il est peu probable que cela s’arrête rapidement. Jusqu’à présent, pour maintenir le prix artificiellement au dessus de 100 $, c’était surtout l’OPEP avec l’Arabie Saoudite qui réduisait sa production. Cela n’a pas de sens, car ça revenait à faire un cadeau au pays producteurs concurrents, alors que l’OPEP détient aujourd’hui encore les plus grandes réserves au monde, et a le prix de production le plus bas. Ils peuvent donc se permettre plus facilement une baisse des prix pour affaiblir leurs concurrents.

 Au final, la baisse du baril rebat les cartes au niveau international. Ce phénomène se produit à une vitesse impressionnante et crée de la volatilité sur les marchés. Mais globalement le bilan de la baisse des cours est largement positif pour nous.

 Le Père Noël est passé avant l’heure dans les pays occidentaux. Et cette fois, sa barbe n’était pas blanche !

 

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr