Edito du mois : Le véritable défi allemand


Mis à jour le: 04/07/2018 à 09h55 par Jonathan Levy

Allemagne - Reichstag -économie

Angela Merkel peut se targuer d’un bilan économique tout à fait enviable par beaucoup de pays européens. La croissance économique allemande est au-dessus de la moyenne européenne, le chômage est au plus bas et la dette est l’une des plus basses d’Europe. La locomotive allemande semble s’installer comme le modèle de l’Union Européenne. Et pourtant face à la montée du populisme dans le monde, et en particulier dans son pays, son modèle devra évoluer. 

 

Pour être honnête, Angela Merkel a largement bénéficié des réformes significatives réalisées avant son arrivée au pouvoir. Elles n’ont guère évolué depuis les années Merkel.

Les réformes lancées par le gouvernement Schröder (SPD) entre 2001 et 2005 ont principalement tourné autour des lois de flexibilisation du marché du travail, les fameuses lois Hartz. Des mini-jobs faiblement rémunérés ont été créés pendant cette période pour les chômeurs de longue durée. Le placement en intérim a été proposé aux chômeurs non placés par l’Agence fédérale pour l’emploi. Et parallèlement le gouvernement a durci les règles d’octroi d’allocation chômage.

 

Mais les larmes et la sueur des allemands ne s’arrêtent pas à ces réformes douloureuses. Elles ont été conduites pendant une longue période (de 1995 à 2012) de modération salariale qui a permis au pays de gagner en compétitivité. Sur ce critère l’écart avec le reste de l’Europe est considérable. Les accords de branche ont été dérogés au niveau des entreprises, plus flexibles. Ils ont permis de trouver un compromis entre le temps de travail, les salaires et la garantie de l’emploi.

Ces réformes ont permis à l’Allemagne de traverser deux crises majeures, la crise des subprimes en 2008/2009 et celle des dettes souveraines de la zone euro en 2011/2012. Ainsi la flexibilité du marché du travail a permis aux entreprises de recourir au chômage partiel et à l’utilisation de compte épargne temps pendant les crises. De leur côté, les entreprises qui avaient assaini leur bilan avant la crise ont accepté de réduire leurs marges pendant la crise. Ceci a permis de réduire l’impact de la crise sur l’emploi et de repartir plus vite ensuite. L’Allemagne est aujourd’hui dans une situation de plein emploi avec un taux de chômage de 4,2%.

 

Le modèle allemand de ces 15 dernières années a donné au pays un avantage concurrentiel extraordinaire qui a largement profité au secteur industriel. Dans la plupart des pays d’Europe (dont la France) on voit le poids de l’industrie décliner, contrairement à l’Allemagne. L’impact sur l’emploi s’en fait ressentir !

Mais ce modèle si performant a-t-il un avenir ?

 

La fracture sociale s’est nettement accrue depuis le début des années 2000. La précarité a fortement augmenté à cause de la création des emplois atypiques (les mini-jobs), couplés avec la modération salariale. Le taux de pauvreté a fortement augmenté lui aussi. La politique menée par Angela Merkel avec la création d’un salaire minimum n’a pas permis pour l’instant de réduire ces tendances de fragilisation d’une partie de la population.

Mais le risque majeur de remise en cause de ces politiques ne provient pas seulement de la montée du populisme en Allemagne mais des autres pays pourtant libéraux comme les Etats-Unis. Il y a aujourd’hui un véritable tournant dans la mondialisation depuis l’avènement de Trump au pouvoir. Celui-ci entame (avec beaucoup de maladresse certes) une redéfinition des accords commerciaux entre les pays. La montée du populisme, symbolisée par la victoire de Trump, témoigne d’un ras le bol des effets négatifs de la mondialisation qui se traduisent par une paupérisation croissante dans tous les pays occidentaux, y compris en Allemagne malgré les apparences. Or notre voisin, champion du monde des exportations, est à présent la cible des populistes, Trump en tête.

 

L’Allemagne ne peut se reposer sur ses lauriers. Le pays devra nécessairement faire évoluer son modèle et rééquilibrer sa croissance, en misant plus sur la demande domestique, et moins sur les exportations. Cette transformation devrait également se faire dans le cadre d’un engagement plus fort dans le projet européen. Tel est le défi historique du futur gouvernement allemand. Les résultats des élections rendent la tache encore plus ardue.

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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