L’intérêt de la dette privée


Mis à jour le: 20/12/2023 à 10h12 par bienprévoir.fr

Parlons Placements n°106 : Décembre 2023

Partie 2 : « L’intérêt de la dette privée » avec Ariane Doutey, Responsable Développement et Directrice Marketing Produit, Entrepreneur Invest.

Le non coté représente l’intégralité des entreprises qui ne sont pas cotées en bourse, soit 95% de l’économie réelle. Il est possible d’être actionnaire de ces entreprises (actions non cotées/private equity) ou d’être prêteur obligataire et dans ce cas, nous parlons de dette privée, c’est-à-dire un prêt à des entreprises non cotées.

Quel est l’intérêt ? Les prêteurs obligataires bénéficient d’une logique contractuelle, c’est-à-dire qu’ils prêtent à une entreprise qui s’engage à verser des intérêts puis rembourser le capital prêté à une date définie. Le prêteur a donc la certitude de savoir combien cela va rapporter et la date de sortie. La seule inquiétude ? Le risque de faillite de l’entreprise.

Par rapport à une obligation cotée, la dette privée ne représente pas de risque de taux. S’il existe un risque de faillite de l’entreprise qu’elle soit cotée ou non, dans le cadre d’une obligation cotée, l’investisseur doit toujours se demander s’il doit garder son action en fonction de sa valorisation. En cas de hausse des taux, les investisseurs peuvent être contraints de vendre leur obligation moins chère que sa valeur nominale. Dans le non côté, l’investisseur garde le titre jusqu’au bout avec une obligation valorisée aux flux futurs attendus, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un investissement beaucoup moins volatile.

Placements sans garantie du capital, ni garantie de performance.

 

L’interview :

Nicolas Pagniez – La nouvelle invitée de parlons placement c’est Ariane Doutey, vous êtes directrice commerciale et marketing chez Entrepreneur Invest et ensemble nous allons parler de l’intérêt de la dette privée. Alors parmi tous les placements qui existent, pour les épargnants, la dette privée est peut-être pas le plus connu même si une fois qu’il est expliqué on identifie exactement le mécanisme, comment est-ce qu’on pourrait définir la dette privée Ariane Doutey ?

Ariane Doutey – Bien assez facilement on parle beaucoup de non-coté bien sûr donc le non coté c’est l’intégralité des entreprises qui ne sont pas coté en bourse voilà donc c’est juste 95 % de l’économie réelle quand vous avez une entreprise qui est non coté vous pouvez être actionnaire de cette entreprise, auquel cas on parle d’action non coté et de « private equity » ou alors on peut être prêteur obligataire et dans ces cas-là on va parler de « Private debt » dette privée.

Nicolas Pagniez – Donc la dette privée c’est le fait de prêter à des entreprises qui ne sont pas coté en bourse quand on veut faire du « Private equity » ou du capital investissement, en fait on peut le faire de deux manières, investissement capital ou dette et là on va parler aujourd’hui de dette et alors quel est l’intérêt pour des investisseurs de s’intéresser à la dette privée Ariane Doutey ?

Ariane Doutey – Alors ça dépend vis-à-vis de quoi tout d’abord est-ce que ça peut être vis-à-vis je peux faire le choix d’être prêteur plutôt d’être actionnaire bien sûr l’intérêt d’être prêteur c’est que vous avez une logique contractuelle vous prêtez de l’argent à une entreprise un petit peu comme le ferait une banque elle s’engage à verser des intérêts et à rembourser le nominal à une date prévue donc vous avez la certitude de savoir combien ça va vous rapporter et quand est-ce que vous sortirez, la seule inquiétude c’est l’entreprise fait faillite, vous n’êtes pas indexé aux marges vous n’êtes pas indexé à l’économie ou je ne sais quoi, c’est contractuel donc ça par rapport à une action c’est quand même beaucoup plus confortable. Par rapport à une obligation coté l’énorme différence c’est le risque de taux, en fait dans tous les cas vous prêtez à une entreprise et la seule chose qu’il ne faut pas avoir c’est un défaut c’est à-dire une entreprise qui fait faillite et qui ne vous rembourse pas vous pouvez avoir le même degré de risque que vous soyez coté ou non coté puisque vous avez des entreprises de toutes tailles et donc potentiellement de même taille, Leroy Merlin, Castorama vous en avez une qui est coté l’autre qui ne l’ai pas et vous avez le même risque a priori mais quand vous êtes avec une obligation coté vous allez devoir faire ce qu’on appelle du « mark to market » vous allez devoir en permanence vous demander est-ce que cette obligation que j’ai acheté j’ai bien fait de l’acheter ou est-ce qu’il vaudrait mieux que je l’échange contre.

Nicolas Pagniez – Quelle est la valorisation de mon obligation puisqu’elle est valorisée en temps réel ?

Ariane Doutey – Du coup si vous avez la même entreprise qui a mis une autre obligation un an plus tard avec un taux plus élevé comme on le voit aujourd’hui avec la hausse des taux, vous regrettez d’avoir acheté l’obligation et vous êtes prêt à la vendre moins cher que sa valeur nominale et c’est  pour ça qu’on dit hausse des taux baisse de valorisation, quand vous êtes sur le non coté vous allez garder le titre jusqu’au bout, on parle de portage, mais du coup vous n’allez pas avoir besoin de faire cette mécanique donc même en cas de hausse des taux votre obligation elle va être valoriser les flux futurs attendus donc beaucoup moins volatile.

Nicolas Pagniez – C’est un engagement qui est pris à un instant T, un contrat qui est réalisé effectivement entre le prêteur et l’entreprise, alors évidemment il y a des intermédiaires, et ce contrat est respecté jusqu’au bout ; s’il y a pas de défaut de l’émetteur, d’accord alors justement sur la partie risque peut-être parce qu’il y a forcément du rendement et du risque on peut peut-être commencer par le risque puisque on parle de défaut de l’émetteur puis ensuite on ira sur le rendement, comment est-ce qu’on sait qu’on va prêter une entreprise qui existe toujours dans 2-5-10 ans ?

Ariane Doutey – Alors contrairement au coté vous n’avez pas les principes de notations donc vous n’avez pas du triple A du triple B et ainsi de suite pour autant comme vous disiez il va y avoir des intermédiaires donc c’est des sociétés de gestion qui vont faire ce travail d’analyste et qui par contre vont être au plus près de l’entreprise elles vont pas lire de la paperasse elles vont rencontrer les dirigeants, ouvrir les moteurs, regarder les stocks et se faire un avis, donc vous allez avoir de la même manière des entreprises qui vont être considérées comme plus ou moins risqué, la grosse différence c’est que dans le non coté vous manquez de capitaux, on prête finalement assez peu ce qui fait qu’on va pas demander un taux plus élevé pour des entreprises sous prétexte qu’elles sont plus risqué, on va tout simplement pas prêté à ces entreprises donc si on regarde sur les 10 dernières années sur l’observatoire des entreprises le taux défaut historique dans le non coté il est inférieur à ce qu’on trouve sur du cross ou du « petit high yield », dans le coté le taux de défaut reste très bas en moyenne en France les entreprises sont très peu endettées.

Nicolas Pagniez – Et alors justement sur ces entreprises est-ce qu’on parlait tout à l’heure de « private equity » est-ce qu’on prête au même enfin est-ce que sur une même entreprise on peut choisir de faire du capital ou de la dette, ou il y a une typologie d’entreprise pour laquelle on va plus aller vers du capital et une typologie d’entreprise sur laquelle on va plus aller vers de la dette ?

Ariane Doutey – Alors vous pouvez avoir des entreprises qui font les deux, les grosses entreprises ont en général un mixte de différents financements mais vous avez quand même une typologie un petit peu marqué c’est-à-dire que quand vous êtes actionnaire vous diluez votre capital, vous partagez la plus-value future donc c’est presque un chèque en blanc vous ne savez pas combien ça rapportera plus tard, quand vous êtes sur une logique obligatoire vous avez un coût qui est certain qui est le coût des coupons mais ça sera seulement ça donc plus vous êtes sur des entreprises qui sont matures, qui sont rentables qui ont la capacité à payer le coupon mais qui veulent garder la main sur la plus-value future plus elles vont être demandeur d’obligation donc le fait d’être en obligataire ça vous oriente assez naturellement sur des entreprises matures alors que sur le capital on aura les deux.

Nicolas Pagniez – Un mot sur le rendement peut-être sur la dette privée alors on se doute bien que ça dépend de la typologie de l’entreprise ou autre mais on peut aller chercher quel type de rendement quand on parle de dette privée ?

Ariane Doutey – Alors ça dépend de effectivement de la typologie l’entreprise plus elles sont grosses moi elles vont payer cher puisqu’elles sont considérées comme a priori moins risqué, pour autant il y a toujours ce qu’on appelle la prime d’illiquidité.

Nicolas Pagniez – Oui parce que c’est un placement qui n’est pas liquide on prête sur un instant T et jusqu’à la fin de l’échéance de prêt l’argent est immobilisé.

Ariane Doutey – Exactement, en fait vous renoncez quelque part au service de la Bourse qui vous pourrait vous permettre de faire des allers-retours, il arrive que des entreprises fassent les deux en même temps moi je l’ai vécu en tant qu’actionnaire on avait une société qui était cotée qui a fait une émission obligataire et qui dans le même temps nous a proposé de prendre une obligation privée. On a aucune raison de la prendre au même prix si on n’a pas le service de la Bourse donc on demande en général à peu près 5 % de prime d’illiquidité donc à risque égal une dette privée doit rapporter 5 % à peu près de plus que le même degré de risque {en lien avec son illiquidité – Nicolas} exactement.

Nicolas Pagniez – Je vous propose, Arian Doutey, de regarder une des deux slides que vous avez apportées également on parlait donc de la faible volatilité par exemple qu’on peut voir sur la dette privée alors ça s’illustre avec un graphique

Ariane Doutey – Oui alors ce que j’ai amené là c’est un de nos fond alors ce n’est pas le meilleur, ce n’est pas le plus vieux, ni le plus récent j’ai pris un fond qui avait 3 ans l’intérêt étant de montrer une période où on a connu effectivement des taux négatifs et puis une grosse envolée des taux, un produit obligataire normal devrait avoir connu une grosse baisse, éventuellement un léger rebond aujourd’hui ce qui n’est absolument pas ce qu’on voit puisque nous on est sur un portefeuille qui au départ est un peu lent car ’a du cash’ et qui progressivement s’investit et qui ensuite atteint son rythme de croisière et qui a un rythme de croisière qui est très linéaire puisque on n’a pas eu de défaut donc on n’a pas de provision à passer donc le taux d’intérêt servi ne change pas tout du long et donc normalement dans 2 ou 3 ans on continuera à avoir le même graphique c’est simplement un peu plus haut un peu plus long voilà.

Nicolas Pagniez – Alors deuxième graphique, enfin deuxième slide en tout cas que vous nous avez apporté alors là on parle de garantie partielle en capital on disait tout à l’heure qu’il y avait un risque de défaut si a un risque de défaut si l’entreprise fait faillite on perd le capital prêté à l’entreprise

Ariane Doutey – Alors c’est le principe de base d’un contrat obligataire alors là pour le coup c’est vraiment spécifique chez nous Entrepreneur Invest, on a été les premiers à lancer des fonds obligataires privés à destination d’une clientèle patrimoniale et on s’est dit qu’il fallait rassurer sur ce risque de défaut et qu’on pouvait sortir tous les stats de la terre on aurait toujours en face de nous des personnes qui nous diraient non coté égal risque donc on a décidé de prendre une assurance et en fait on a pris une assurance alors au départ avec la BPI puis on a rajouté la BEI donc la Banque européenne d’investissement qui est vraiment l’équivalent au niveau européen et on leur a demandé de nous couvrir chacune des lignes obligataires et donc si au final on a des lignes qui font défaut on a une garantie qui va suppléer au problème et qui va rembourser minimum 50 % de la perte et auquel cas on se retrouve avec des produits qui encaissent le coupon, encaisse la prime d’illiquidité et vont chercher du coup une performance plutôt sympathique mais sont déséquilibré parce qu’en cas de risque, en cas de vrais problèmes avérés on ne va pas être si impacté que ça parce qu’on a la garantie qui sera activé.

Nicolas Pagniez – Dernière question, de manière un peu plus générale Ariane Doutey, c’est vrai que le non coté, le « private equity » on en entend de plus en plus parler vis-à-vis des épargnants particuliers puis qu’il y a une volonté de démocratiser ses investissements et en plus de ça certains gestionnaires de patrimoine qui, voyant les rendements proposés, proposent de plus en plus à leurs clients aussi la dette privée, ça suit le même chemin ou ça nécessite encore d’être défriché démocratisé pour un certain nombre d’épargnants ?

Ariane Doutey – Alors la dette privée reste beaucoup plus mesuré en terme de volume et dans la dette privée vous avez plein de catégories différentes, vous avez les fonds de dette traditionnel qui sont des produits distribuant donc il sont quand même plus adaptés à de la personne morale ou à de l’institutionnelle qui cherchent pas forcément des grosses rentabilités mais qui veut du cash de manière régulière et puis vous avez les fonds de dette hybride obligations convertibles ou OBSA qui vont être capitalisants et qui là vont aller chercher une perf un peu plus sympathique donc ça reste beaucoup plus faible pour autant je trouve ça dommage puisque on est sur des produits qui mécaniquement sont plus courts et moins risqués que les produits action, ce qui fait que ça me semble beaucoup plus adapté à la clientèle patrimoniale.

Nicolas Pagniez – Merci beaucoup Ariane Doutey de nous avoir accompagné dans Parlons Placement, je rappelle que vous êtes directrice commercial et marketing chez Entrepreneur Invest, merci beaucoup et quant à nous on se retrouve dans la dernière partie de Parlons Placement.

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