Edito du mois : Coronavirus, une leçon et une interrogation
Publié la première fois le: 27/02/2020 à 14h33
Mis à jour le: 27/02/2020 à 14h37
par Jonathan Levy
Finalement, le coronavirus aura réussi en un mois ce que Donald Trump a échoué à faire en 2 ans : limiter les importations chinoises !
Alors que l’épidémie de coronavirus semblait avoir un impact limité sur les places financières, celles-ci sont à présent gagnées par une anxiété généralisée. Le CAC 40 a atteint son plus haut annuel le 19 février à 6111, avant de chuter de 9% en une semaine. Les bourses mondiales s’inquiètent des derniers développements de la crise sanitaire et craignent un ralentissement marqué et prolongé.
Mais au-delà de cette inquiétude de court terme, cette crise nous apprend beaucoup sur l’état du monde : nous pouvons en tirer une leçon, et une interrogation pour le futur.
La leçon
La leçon de cette crise est la révélation de la transformation de la Chine. C’est bien dans une période de crise que l’on peut voir ces évolutions. La Chine essaie de démontrer au monde entier qu’elle est capable de gérer une crise sanitaire majeure, comme doit le faire une grande puissance mondiale. S’il est vrai qu’elle a tardé à endiguer l’épidémie, force est de constater qu’elle a mis beaucoup de moyens ensuite : construction d’un hôpital en quelques jours, mis en place de quarantaines dans toutes les zones concernées,… Le résultat est bien perceptible puisqu’aujourd’hui, le nombre de nouveaux cas déclarés chaque jour en Chine est le plus faible depuis le début de la crise.
En termes d’information, il faut dire aussi que la Chine a changé, même si elle est encore loin d’être un exemple. Le 13 février, elle a décompté environ 15 000 cas supplémentaires de personnes affectées par le virus, contre 2 000 par jour en moyenne, parce qu’elle a accepté de changer de méthode de diagnostic.
Enfin, on assiste à une course mondiale pour trouver le traitement efficace du coronavirus. A ce jeu, les chinois sont bien placés : des chercheurs chinois ont annoncé avoir une piste sérieuse (ce qui a été confirmé par un chercheur français), en utilisant le traitement contre le paludisme. Cet épisode marque en cela un changement majeur. La Chine n’est plus seulement l’usine du monde, elle ne cherche plus seulement à copier ce qui est fait à l’étranger en le produisant moins cher, elle est capable de rivaliser avec la recherche américaine, et ce dans différents domaines : la médecine, la high-tech, l’intelligence artificielle, …
Notre propos n’est pas de sublimer la Chine, loin de là. Beaucoup reste à faire pour qu’on le voit comme un pays évolué, à commencer par la liberté d’expression. Mais il faut admettre que la Chine, en pleine évolution, est un pays dans lequel il devient très intéressant d’investir, et doit constituer, pour nous, une alternative crédible aux États-Unis.
L’interrogation
L’interrogation porte sur le futur de la mondialisation. Le coronavirus porte un troisième coup de canif à la mondialisation. Le premier est celui donné par l’écologie : avec le réchauffement climatique, il devient de plus en plus aberrant de produire un bien à l’autre bout de la planète et de l’importer ensuite. Ce schéma est de plus en plus rejeté par les populations, et par les électeurs. Le second coup de canif est celui porté par Donald Trump qui a décidé de mener une guerre économique à tous les pays exportateurs (Chine, Allemagne, Mexique, Japon, …). Cette fois, il ne s’agit pas de sauver la planète, mais de défendre des emplois locaux. Enfin, le coronavirus montre que l’explosion de la circulation des personnes dans le monde nous fait courir un risque supplémentaire qui touche à notre santé cette fois. Avec le développement du tourisme de masse, des échanges de personnes en générale, nous sommes plus exposés qu’avant à des pays dont le risque sanitaire est élevé. Pour parer à tous ces sujets, les entreprises devront peut-être revoir leur mode de production et envisager une régionalisation de l’économie, au détriment de la mondialisation.
Si ce scénario est envisageable, il n’est pas certain non plus que la mondialisation recule durablement. Quand on lit Yuval Noah Harari, dans « Sapiens, une brève histoire de l’humanité », on comprend que le sens de l’histoire est que les hommes coopèrent de plus en plus entre eux sur toute la planète : « Les problèmes mondiaux nécessitent des réponses mondiales ».