Edito du mois : Le mystère Trump


Mis à jour le: 26/09/2019 à 13h42 par Jonathan Levy

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Les marchés actions ont atteint leur plus haut depuis 10 ans, alors que la croissance économique ne cesse de s’affaiblir dans la zone euro. La bourse est-elle devenue folle ou schizophrène ? Comment expliquer ce grand écart ? Peut-elle continuer à monter alors que l’économie réelle se dégrade ?

 

Il est vrai que les perspectives économiques s’assombrissent en Europe. La BCE a revue à la baisse des prévisions de croissance pour 2019 et 2020, à 1,2% et 1,4% (contre 1,3% et 1,6% précédemment).
Des indicateurs avancés montrent un ralentissement plus fort encore de l’économie européenne, l’Allemagne étant particulièrement touchée. La zone euro n’est pas loin de faire du sur-place. Une dégradation supplémentaire de la conjoncture précipiterait la région en récession.
La cause de ce ralentissement est assez claire : il s’agit de la guerre commerciale lancée par Trump début 2018. Le commerce international est fortement impacté par les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine. Or, l’Allemagne est le 3è pays qui exporte le plus au monde (derrière la Chine et les Etats-Unis), avec une part de marché mondiale de 8%. Ses trois premiers clients sont : les Etats-Unis, la France et la Chine. On comprend ainsi pourquoi le pays est une victime collatérale de l’affrontement entre les deux grandes puissances mondiales.

 

Pour comprendre la hausse récente de la bourse au cours des dernières semaines, dans un contexte économique morose, il faut bien être conscient que la bourse est avant tout dans l’anticipation. Elle réagit donc à des informations qui pourraient avoir une influence sur les résultats économiques dans 9 à 12 mois. A ce titre, les négociations entre la Chine et les Etats-Unis sont absolument cruciales, y compris pour l’Europe. L’annonce d’un 13è round de négociation, et l’espoir qu’il suscite, a donc eu un effet bénéfique sur les bourses.

Le second élément qui a propulsé les marchés financiers vers de nouveaux records, est la politique monétaire des banques centrales. La BCE, par exemple, a multiplié les annonces le 12 septembre dernier, qui consistent à améliorer encore plus les conditions de financement. Entre autres, elle relance son programme d’achat d’obligations pour un montant de 20 Md€ par mois, à partir de novembre, et elle baisse son taux de dépôt à -0,50% (contre -0,40% auparavant). Enfin, elle renonce à déterminer une date de remontée des taux. Dorénavant, son discours consiste à dire qu’elle se refuse à le faire tant que l’inflation n’aura pas solidement convergé vers son objectif de 2%. Cela souligne bien la volonté de l’institution de Francfort à soutenir vigoureusement l’économie européenne dans la durée.
La BCE a aussi mis en place un système pour atténuer les effets négatifs de cette politique sur le système bancaire. L’enjeu pour la BCE est d’assurer la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle, en passant par les banques commerciales.
Les marchés financiers ont largement apprécié ce changement de ton de la BCE, et ont rendu hommage à l’une des dernières interventions de Mario Draghi en portant les indices au plus haut.

 

Pour autant, il convient, selon nous, de rester prudent face à cette situation marquée avant tout par les développements géopolitiques, qui sont très imprévisibles aujourd’hui. Il paraît de plus en plus dur de spéculer sur le fait que les Etats-Unis et la Chine signent un accord à court terme. En effet, si les chinois signaient un tel accord historique aujourd’hui, ils assureraient en même temps la réélection de Donald Trump l’année prochaine. En ont-ils envie ? En ont-ils intérêt ? Donald Trump tape sur la Chine, de manière incessante, depuis les primaires de la précédente élection présidentielle, et il promet à ses électeurs que son 2ème mandat serait pire pour la Chine que son 1er mandat.

Depuis 3 ans, on tente de se rassurer en disant que Donald Trump est un businessman qui négocie, et cherche des solutions. On le décrit comme une personne pragmatique qui vise avant tout l’efficacité en termes de résultats. Et si on s’était trompé sur lui ? Et s’il était simplement un populiste, un idéologue qui vente l’identité américaine avant tout ? Il faut se rappeler son slogan : make America great again ! On peut comprendre cette phrase de deux manières différentes : en absolu ou en relatif.
En absolu, l’Amérique devrait être plus riche à la fin du mandat de Trump qu’au début. En relatif, il suffit d’affaiblir les partenaires des USA pour que ceux-ci paraissent plus riches.

Malcolm de Chazal disait : «L’homme est prêt à croire à tout, pourvu qu’on le lui dise avec mystère. Qui veut être cru, doit parler bas.». Pour être réélu, Donald Trump devra garder sa part de mystère…

 

Par Jonathan Levy

Président, co-fondateur de bienprévoir.fr

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