« Guerre commerciale »: jusqu’où ira Trump ?


Mis à jour le: 22/07/2020 à 16h01 par Vincent Cudkowicz

Parlons Placements n°43 : Mars 2018

Partie 1 : « Guerre commerciale : jusqu’où ira Trump ? » avec avec Jonathan Levy, Président et co-fondateur de bienprevoir.fr

Découvrez notre analyse sur « le bras de fer commerciale » que le président américain souhaite entamer pour remédier aux problèmes économiques américain et notamment ceux du marché de l’emploi. Quels impacts sur l’économie mondiale ? Quelles recommandations pour vos investissements ? avec Jonathan LEVY, co-fondateur et Président de bienprévoir.fr

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Retrouvez en plus avec l’Edito : « GUERRE COMMERCIALE, LE RETOUR EN FORCE DU POLITIQUE »

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Thomas Blard (journaliste, Décideurs TV) : Bonjour, Jonathan. On va s’intéresser à Donald trump qui on le sait anime beaucoup l’actualité des marchés financiers et qui a décidé de relancer la guerre commerciale.

 

Jonathan Levy (Président, bienprevoir.fr) : 

Tout à fait ce n’est pas une surprise ça fait partie de son plan dès l’origine, depuis les primaires américaines. Il ne parle pas d’une guerre commerciale mais d’un bras de fer avec la Chine. Il applique son programme et d’ailleurs il est assez intelligent là-dessus parce qu’il ne l’a pas appliqué dès le premier jour de son arrivée à la Maison Blanche. Je trouve que le timing est très bien pensé, il le fait dans un second temps. D’abord il y avait le sujet fiscal, un sujet interne aux États-Unis. Il fallait qu’il mette en place la grande réforme fiscale, qui vous le savez  est gigantesque et qui va avoir un impact important sur l’économie américaine. Il a mis presque un an pour avoir l’adhésion du Sénat et du Congrès, c’était sa priorité, il ne pouvait donc pas le faire avant. Il y avait un deuxième sujet, la Corée du nord. Il avait besoin de la Chine pour régler le sujet de la Corée du nord. Ce dernier n’est toujours pas clos mais ils vont se rencontrer d’ici fin mai. Donc, il n’a plus autant besoin de la Chine aujourd’hui, il est désormais en mesure de lancer cette guerre commerciale.

 

Ce que vous nous dites, c’est qu’en fait derrière cette guerre commerciale, il y a un adversaire identifié, une cible c’est la Chine ?

Bien sûr, il n’a pas commencé par le sujet chinois, il a fait une entrée en matière avec l’acier l’aluminium ou la Chine n’était pas tellement touchée puisque les importations d’acier sont seulement à hauteur de 2 % avec la Chine. Ce n’est pas le pays qui était pointé du doigt mais il s’agissait plus d’une entrée en matière sur le sujet. 

 Donc il serait plus subtil qu’il laisse à penser. Mais pourquoi est-ce qu’il vise la Chine ?

Il vise la Chine parce que c’est le sujet numéro un. En fait son objectif ce sont les 375 milliards de déficit commercial qu’il a avec la Chine. Il s’agit du premier déficit commercial chaque année et ça a été multiplié presque par quatre en 15 ans. Et cela a un impact pour l’économie américaine. Quel impact ? C’est une perte d’emploi et c’est une des raisons pour laquelle il a été élu. Il faut se rappeler que même si on ne voit pas dans les chiffres qu’on commente régulièrement ici, il y a toute une partie de la population américaine qui n’a plus accès au marché de l’emploi. La classe moyenne américaine est en dehors du marché du travail alors qu’on a l’impression qu’ils sont en plein emploi. Le taux d’emploi aux États-Unis est relativement faible historiquement sur 30-40 ans et lui seul à pointer ce sujet aux États-Unis. Aujourd’hui il met de vrai sujets sur la table et il a raison de le faire même si on peut juger de sa façon de le faire.

C’est intéressant parce que cela fait écho à nos rivages européens où on a finalement ces mêmes dissensions, ces mêmes luttes entre des partisans d’un protectionnisme antimondialisation et puis les thuriféraires de la mondialisation.

 Mais je crois que l’objectif est le même des uns et des autres en fait, c’est simplement la méthode qui diffère. Ceux qui sont pour la mondialisation vont être plus dans la coordination et vont chercher une gouvernance mondiale. Trump est plus dans le bras de fer c’est une autre façon de traiter le même sujet. La mondialisation a pris une part importante et avec son déséquilibre il y a des perdants et des gagnants. Trump souhaite rééquilibrer les effets néfastes de la mondialisation.

Donc ce que vous le dites c’est que Trump engage un bras de fer commercial contrairement à ce qu’on pense, pas avec la terre entière mais plutôt avec la Chine. Et que malgré les chiffres impressionnants du taux de chômage américain, il y a toute une population américaine déclassée qui a voté pour lui et qu’il essaye de remettre en selle d’une façon ou d’une autre. Parce que lorsqu’ on achète chinois et bien on achète plus aux États-Unis. Est-ce qu’ils risquent d’aller trop loin ?

 C’est ça le sujet, moi je ne pense pas. C’est quelqu’un de très pragmatique, c’est un businessman qui gère les États-Unis un petit peu comme il gérait son business. Et comme je vous le disais c’est une posture qu’il a pour mettre en place une négociation avec les chinois. Je pense que les Chinois l’ont bien compris ce sont aussi d’habiles négociateurs. Ils l’ont vu fonctionner comme nous depuis qu’il est au pouvoir aux États-Unis, ils l’ont vu sur les autres conflits. D’ailleurs la Chine l’a bien compris parce qu’elle a dit elle-même qu’elle n’avait pas peur d’une guerre commerciale qu’elle n’avait rien à perdre dans une guerre commerciale. 

Mais pourquoi ne pas se mettre d’accord autour d’une table, prendre le thé et puis finalement tombés d’accord si tout le monde voit le jeu de l’autre. Finalement, pourquoi arriver jusqu’à ces excès et ces menaces ? Pourquoi sortir les armes ?  

Je pense qu’on l’a vu dans différents conflits et dans différentes crises sur le plan économique. Sur les dix dernières années vous prenez la crise des dettes souveraines, on ne l’a pas résolu du jour au lendemain, on aurait bien pu dire tout de suite aux Allemands et la Banque Centrale, on met de l’argent sur la table. Mais pourquoi on ne le fait pas moi je pense que le vrai sujet c’est qu’il faut que les uns et les autres pour qu’ils changent il faut qu’ils aient un petit peu mal et donc si on résout les choses rapidement ils ne feront pas les efforts qu’il faut faire, c’est la nature humaine donc c’est ça l’enjeu. C’est pour ça que je pense que la crise va durer un petit moment, qu’elle va s’installer et prendre un petit peu d’ampleur. 

Elle ne va pas déraper, c’est ça votre scénario. Tout le monde va sauver la face à la fin.

 Exactement. De toute manière pour qu’une négociation aboutisse, il faut que tout le monde soit gagnant-gagnant, que tout le monde garde la face. Ils doivent arriver à quelque chose d’équilibrer et c’est ça l’objectif des uns et des autres.

 Ca veut dire que ces tensions risquent de peser sur le moral des investisseurs, sur les cours de bourse. Mais qu’en effet si l’élastique ne rompt pas ça pourra remonter après. C’est peut-être ça finalement ce qu’il faut jouer.

Exactement. Sans aller jusqu’au bout, c’est vrai que le CAC pourrait être beaucoup plus bas. Si on avait peur qu’une guerre commerciale éclate, les enjeux sont tels que ça pourrait mettre par terre un certain pan de l’économie des entreprises. On voit bien que la bourse elle-même ne panique pas donc il y a une coaction qui est finalement, relativement légères et je pense que cette coaction est une bonne entrée pour revenir sur les marchés afin de profiter du contexte économique qui reste globalement assez bon. Même si on a des chiffres macro un petit peu moins bon depuis notre dernière émission le mois dernier mais ils restent sur un bon niveau et bien orienté. Les résultats d’entreprise restent très bien orientés aux États-Unis et même en Europe.

 Oui, on put voir que la bourse a quand même durement encaissé ces menaces commerciales.

Oui, il y a une correction qui est pour moi relative par rapport à l’enjeu. 

 Ce que vous nous dites c’est que cela aurait pu être pire.

Cela aurait pu être pire, il s’agit quand même d’un enjeu systémique, si on remet en cause la mondialisation qu’on a connu ces 20-30 dernières années, il pourrait y avoir des gagnants et des perdants. Du coup il pourrait y avoir un attentisme qui serait plus fort que celui qu’on a aujourd’hui. 

 Votre analyse va plus loin, vous dites « Trump veut recréer un monde inflationniste », qu’est-ce que ça veut dire ? 

Je ne sais pas si c’est ce qu’il veut mais c’est un petit peu la conséquence de ce qu’il veut c’est-à-dire que s’il allait jusqu’au bout, il relocaliserait plus d’emplois aux États-Unis, il y aurait plus de production aux États-Unis. La conséquence de ça c’est que les biens produits aux États-Unis coûteraient plus cher que les biens produits en Chine ou dans d’autres pays à bas coûts donc des prix plus chers plus d’inflation c’est un autre monde que celui qu’on a connu ces trente dernières années. Moins de mondialisation c’est plus d’inflation . Une des conséquences dont on a beaucoup parlé en politique monétaire, s’il y a plus d’inflation ça donne moins de munitions aux banques centrales donc on a des taux qui remontent. 

 On revient à l’Amérique des années 50, « great games » mais qui est un monde un peu plus en circuit fermé.

Alors je ne pense pas qu’il aille jusque-là. Je pense qu’il veut entamer un changement de tendance et il faut qu’il soit très lent. Ce n’est pas dans son intérêt que ce changement tendance soit très rapide. Les Chinois aussi d’ailleurs ont commencé à faire ce changement il y a quelques années, ils n’ont pas attendu Trump pour faire ce changement. Il s’agit d’une économie qui est tournée vers les exportations et depuis longtemps ils font des efforts pour se rééquilibrer vers la demande intérieure mais c’est un processus qui est très lent. Trump voudrait aller un peu plus vite donc le sujet est plus sur le timing.

Puis recréer un peu d’inflation, c’est aussi ce dont rêvent pas mal d’acteurs parce qu’on le voit bien tous les problèmes d’un monde sans inflation, comme par exemple les rémunérations dont on va en parler dans la deuxième et la troisième partie de l’émission sont plus compliquées a atteindre.

Tout à fait, c’est ça son objectif effectivement, redonner du pouvoir d’achat en fournissant des emplois et des hausses de salaires aux États-Unis. Après, sur le très long terme on ne sait pas s’il s’agit de quelque chose qui pourrait se produire parce que les biens seraient plus chers donc il y aurait plus de salaires mais aussi une vie un peu plus cher. Quel sera l’impact sur le pouvoir d’achat à long terme ? On ne connaît pas l’impact de cette politique. 

C’est passionnant comme feuilleton, on le suivra avec intérêt avec vous Jonathan, merci beaucoup. Une dernière question,  que fait-on à court terme en tant qu’investisseur particulier ?

À court terme je pense que cette situation va perdurer un petit peu mais qu’elle va se régler au cours de l’année 2018. C’est donc intéressant pour un investisseur de moyen-long terme de rentrer sur les marchés actuels parce que les perspectives restent très bonnes économiquement.

Par Vincent Cudkowicz

Directeur Général, co-fondateur